Rinaldi est un policier italien de grande expérience. Son gouvernement l’envoie en Libye afin de négocier le maintien des migrants sur le sol africain. Sur place, il est confronté, en prenant contact avec ses équivalents européens, à la complexité des rapports tribaux libyens et à la puissance des trafiquants exploitant la situation de détresse des réfugiés. Au cours d’une visite dans un centre, il rencontre Swada, une jeune somalienne qui lui demande de l’aider à rejoindre sa famille en Norvège.

Rinaldi est touché par la personnalité de la jeune femme et lui, habituellement froid et méthodique, va se retrouver partagé entre la rigueur que lui dicte sa mission et sa faiblesse humaine ; entre sa conscience et la raison d’état ? Lui sera-t-il possible de faire une exception sans bousculer «l’ordre des choses» ?

Cinéma : L'ordre des choses
Cinéma : L’ordre des choses

Lorsqu’en 2014 il commence à travailler à l’écriture du film, Andrea Segre ne sait pas que la situation entre l’Italie et la Libye finirait par ressembler à l’histoire qu’il prévoyait de raconter.

Au cours des nombreux contacts qu’il a eus avec des fonctionnaires semblables à Corrado Rinaldi, il devenait de plus en plus évident que l’Italie s’apprêtait à renvoyer des migrants dans les centres de détention libyens. Son film dénonce la façon dont l’Europe s’est alliée avec ce qu’il reste des autorités libyennes pour gérer l’afflux des migrants en provenance de l’Afrique subsaharienne.

Déjà dans « Mare chiusa » en 2012, le réalisateur s’élevait contre la façon dont l’Italie traitait les migrants en multipliant les refoulements par les gardes-côtes avant même que les demandeurs d’asile aient eu le temps de faire la moindre démarche administrative, en violation des traités et conventions dont le pays est signataire.

Ce nouveau film pénètre au cœur d’un système complexe quand, en 2015, l’Italie était livrée à elle-même et que l’urgence pour l’Europe était ailleurs.

Le retour des fonctionnaires européens a donné lieu à des échanges qui, sans livrer des secrets d’état, ont permis aux scénaristes de documenter et de nourrir leur récit. De ces contacts est né, s’est imposé puis affiné le personnage de Corrado Rinaldi, le fonctionnaire fictif, personnage central de «L’ordre des choses» .

Amenés à visiter les centres de détentions et à échanger avec les miliciens qui les géraient, les fonctionnaires européens avaient une vision claire de la situation libyenne et prenaient la mesure de l’étendue de la débâcle qui s’annonçaient.

Les pays européens n’ont pu avoir alors pour partenaires que ces miliciens, souvent des trafiquants, qui, par leurs méthodes, rendaient plus inhumaines encore, les conditions de détention des migrants.

Et il ne restait plus à l’Europe, dénoncée après la diffusion du rapport de CNN sur l’esclavage dont sont victimes les migrants soumis à de «multiples peines», d’autre solution que d’éteindre le feu qu’elle avait allumé.

La débâcle morale de l’Europe sur le sujet est incarnée par Corrado Rinaldi tiraillé entre sa mission officielle et l’empathie qu’il ressent pour une migrante.

Quand un sursaut d’humanité intime avorté vient illustrer un drame immense dans sa généralité…

Francis Dubois


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