Le 7 janvier 2015, le siège de l’hebdomadaire satirique « Charlie Hebdo » est victime d’une attaque terroriste qui coûte la vie à douze personnes parmi lesquelles les célèbres dessinateurs humoristiques Cabu, Wolinski, Charb, Tignous et Honoré.
Le lendemain, une policière est assassinée.
Le 9 janvier, les clients d’un hyper-marché casher de la Porte de Vincennes sont pris en otage par des terroristes. Bilan : quatre nouvelles victimes.
Le film de Daniel et Emmanuel Leconte est un hommage à tous ceux qui ont péri sous les balles au nom d’un islamisme extrême et aveugle.
A la suite de la parution des caricatures de Mahomet, un procès avait eu lieu au terme duquel le journal et son directeur de l’époque, Philippe Val, avaient été relaxés.
En 2008, Daniel Leconte avait réalisé un film documentaire sur le sujet qui avait eu un certain retentissement.
Il portait comme titre la bulle d’un dessin de Cabu représentant le prophète éploré : » C’est dur d’être aimé par des cons ».
Six années plus tard, Daniel Leconte en association avec Emmanuel Leconte décidaient tout de suite après les attentats meurtriers de janvier, de réaliser un autre film et, avec les rushes inédits de 2008, de rendre vie à leurs amis disparus.
Le film leur rendrait la parole pour qu’ils remettent eux-mêmes les points sur les i, pour entendre leurs paroles de résistants et déclarer aux assassins : » Vous avez hurlé que vous aviez tué Charlie. La preuve que non. On est toujours vivants. » .
« L’humour à mort » est d’évidence, un film utile, nécessaire. Il est une séquence d’histoire et de notre Histoire.
Il faut garder en mémoire ces événements dramatiques qui ont provoqué, pendant quelque temps dans le pays un élan de masse inédit.
S’il rend avec beaucoup d’émotion la parole à Cabu, Charb, Tignous ou Wolinsky et si leur propos renvoie les journalistes humoristes à ce qu’ils étaient, à leurs choix, à cet humour grinçant qui représentait leur singularité de professionnels et leur « fonds de commerce » ; si dans certaines scènes qui se passent dans les locaux du journal, on les voit faire preuve d’une bonne humeur débridée, se livrer à des jeux de potaches et révéler la grande complicité qui les unissait, on ne peut, en regardant ce film, faire totalement le lien avec les attentats du vendredi 13 novembre qui ont à nouveau endeuillé la France.
Même si les deux tueries ont en commun leurs auteurs, des assassins motivés par une idéologie obscure et l’horreur d’une mort injuste, elles résonnent différemment.
Parmi les victimes de janvier, il y avait des noms connus dont certains étaient familiers à tous. L’attentat portait atteinte à la liberté de presse.
Les victimes de novembre, beaucoup plus nombreuses, étaient des anonymes, pour beaucoup des jeunes gens amateurs de musique ou profitant en plein automne, d’une météo clémente se prêtant à se retrouver, entre amis, en terrasse.
Faute de noms connus appartenant à un organisme célèbre, on n’aura pas matière à faire un film sur (et avec) les victimes du 13 novembre.
A cause de leur anonymat, ils n’auront pas la parole pour argumenter, dire que c’est simplement leur joie de vivre qui leur a été fatale.
Ceci dit, « L’humour à mort » est un film à voir absolument, totalement abouti, dont la construction, entre témoignages posthumes et interventions amicales et professionnelles en fait aussi une réussite cinématographique.
Francis Dubois
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