Michel Racine, la soixantaine revêche, est dans la ville de Saint-Omer, un Président de Cour d’Assises à ce point redouté qu’on l’a surnommé « double-chiffre ». Ce qui signifie que les accusés des procès qu’il préside s’en sortent rarement avec une peine de moins de dix ans.

Pourtant, sous son air bourru, une absence totale d’amabilité, un comportement à la limite du mépris et de l’impolitesse, Michel Racine ne cacherait-il pas une âme sensible ?

Cette sensibilité refoulée va se révéler le jour où, parmi les jurés du procès d’un infanticide, il reconnaît Birgit Lorensen-Coteret, un médecin qui l’a soigné au cours d’une longue hospitalisation et dont il était à l’époque, tombé secrètement amoureux.

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Le film de Christian Vincent s’ouvre sur le personnage mal luné du Président de la Cour d’Assises que la grippe menace, qui n’a aussi peu d’égards pour sa vieille femme de ménage que pour ses collaborateurs, qui ronchonne, se bourre de cachets d’aspirine, et fait face à la rupture avec sa femme avec une désinvolture qui pourrait révéler chez lui plus de détresse que d’indifférence.

Cet homme seul qu’on voit traîner derrière lui un bagage et tout ce qu’on peut imaginer de secrets n’est pas sans évoquer, avec les ruelles d’une petite ville, le personnage d’un roman de Georges Simenon.

Le procès que Michel Racine préside (« je ne voudrais pas être à la place de l’accusé » dit un membre du tribunal) est celui d’un jeune homme accusé d’avoir tué à coups de rangers sa petite fille de sept mois.

Sur cette première partie du film (le déroulement du procès tel qu’on en montrait à la télévision du temps de l’ORTF dans l’émission «  En votre âme et conscience « ) réserve peu de surprises et n’évite aucun cliché : un échantillonnage attendu de jurés, le défilé des témoins non moins attendu et un

Président de Cour d’Assises fermé comme une huître.

Elle n’est là, à quelques courtes séquences près, que pour servir le personnage du Président et peut-être, en arrière-plan, à travers les portraits des jurés, pour tracer le contour et l’atmosphère d’une petite ville de province.

Le deuxième volet du film qui vient en surimpression de la première partie, plonge le récit dans une histoire amoureuse et c’est là, dans la délicatesse avec laquelle le sujet est abordé, qu’on retrouve la « patte » de Christian Vincent.

A la lumière de cet amour qu’il voue de nouveau à celle dont il fut secrètement épris quelques années auparavant, l’image de Michel Racine qu’on avait de lui et qu’on croyait définitive, se modifie et, progressivement, se renouvelle.

La réussite de cette partie du film revient au savoir-faire de Christian Vincent, à la façon délicate qu’il a d’amener la transformation de son personnage, par petites touches avec des sentiments qui reviennent à la surface.

Elle revient au talent de comédien qu’on est bien obligé de reconnaître à Fabrice Luchini, surtout quand il est, comme ici, débarrassé de ses tics, de toute trace de cabotinage et que son jeu efficace repose sur une sorte de modestie, d’effacement presque.

Sidse Babett Knudsen n’est pas étrangère à la réussite de cette partie du film. Son visage irradie, son sourire, la simplicité avec laquelle elle entre dans les sinuosités amoureuses et regarde avec un mélange de tendresse et d’ironie se craqueler le masque cadenassé de Michel Racine.

Mais pourquoi dire que Christian Vincent et Fabrice Luchini fêtent avec «  L’Hermine  » leurs retrouvailles après avoir étés révélés l’un et l’autre avec «  La discrète » ?

C’est faux, pour ce qui est de la révélation, et bien injuste pour Eric Rohmer à qui revient le mérite d’avoir fait découvrir dans «  Le genou de Claire « , «  Perceval le Galloi s » ou «  Les nuits de la pleine lune » un jeune comédien prometteur nommé Fabrice Luchini. .

Francis Dubois


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