Face à une assistance majoritairement féminine, un professeur de philologie charismatique distille des cours de poésie.
Le projet pédagogique repose sur les références aux muses de l’Antiquité pour dresser une éthique poétique et amoureuse.
Il donne lieu à des réactions contrastées, à un débat chez les étudiantes qui se prennent avec passion au jeu d’une « académie des muses » incarnée.
Projet utopique ou simplement matière à déclencher des discussions à bâtons rompus ? Simple phénomène de bavardage libre ?
Se succèdent des jeux de miroirs et de pouvoirs, de séduction et de désirs où chacun s’implique avec passion, où le faux cohabite avec le vrai, le factice avec le réel, où badinage amoureux et satire se conjuguent en référence aux amoureux chez Dante, Lancelot et Guenièvre, Orphée et Eurydice.
Le film de José-Luis Guérin alterne différentes sortes d’images pour illustrer son propos.
Souvent, il cède à un esthétisme assumé en filmant à travers une vitre (fenêtre, vitre de voitures…) et en jouant avec des reflets de végétation, arbres, branches, feuillages sans jamais céder au naturalisme de la description.
Mais la caméra peut se placer à distance ou au contraire filmer en gros plans, comme si la parole devait être soutenue par le détail d’un visage ou par les expressions qui résultent d’une prise de parole passionnée.
Le cinéma de José-Luis Guérin se joue des genres et « L’académie des muses » s’applique à mêler de façon subtile, la part du réel et celle de la fiction.
Dans son film, le professeur est un professeur, son épouse est son épouse dans la vie, les étudiants sont des étudiants et tout le reste est fiction.
On pourrait dire que le déroulement des cours, les différentes interventions, le jeu des joutes oratoires appartiennent au domaine du documentaire.
Mais les mouvements de la parole deviennent mouvements du cœur et de la pensée et les conversations théoriques se transforment en drames.
Que deviennent les certitudes théoriques quand elles sont confrontées au drame intime qui survient ? Le film montre à quel point les plus armées intellectuellement déposent soudain les armes quand le doute, dans le domaine de la réalité, les saisit.
« L’académie des muses » est une œuvre étrange autant par son contenu que par sa construction, son découpage, et cet humour en rupture qui survient aux moments les plus inattendus. Une œuvre dont l’audace tient à la fois à la candeur et à l’érudition du propos.
Contrairement à ce qu’on pourrait attendre d’une telle démarche cinématographique, le film ne souffre d’aucune sécheresse conceptuelle.
Passionnés, drôles ou cruels, parfois un peu pervers, les complices de José-Luis Guérin sont les acteurs d’un film « d’action parlée » où l’on passe d’un sentiment à l’autre comme on passe d’une langue à l’autre.
« L’académie des muses » raconte sans effets ni concessions « commerciales » comment hommes et femmes ne cessent de creuser autour des terribles et délicieux mystères de leurs relations.
Un film audacieux et passionnant.
Francis Dubois
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