De tous les temps, des milliers de chats ont parcouru les rues d’Istanbul en toute tranquillité et indifférents à la cohue générale.

Sans maîtres, ni vraiment sauvages, ni domestiques, il font partie de l’histoire de la ville et personne ne se plaint de leur présence, même s’ils se montrent parfois mendiants, parfois voleurs, parfois caressants et parfois indifférents aux caresses.

Ni l’homme ni l’animal ne se montre agressif vis à vis l’un de l’autre et la bonne relation mutuelle même si elle n’est pas forcément démonstrative, montre des signes favorables de cohabitation et peut-être même, quelquefois d’amitié.

A Istanbul, les chats bénéficient d’un statut particulier. Ils sont souvent secourus, « adoptés » par certains habitants qui les nourrissent, volent au secours de chatons orphelins.

Pêcheurs et marchands de poissons, commerçants de tous crins, restaurateurs sont très sollicités par les félins et sans doute sensibles aux gestes de générosité à leur égard.

Un peu, comme si la chat était devenu l’animal sacré de la ville, l’animal dont on respecte l’esprit d’indépendance et de liberté.

Cinéma : Kedi
Cinéma : Kedi

A Istanbul, l’histoire des hommes et des chats est tellement entremêlée que certains s’inquiètent du jour où une transformation de la ville vouée à voir disparaître ses espaces verts au bénéfice du béton et le réaménagement de ses vieux quartiers sonneraient le glas de la présence des chats et conduiraient à leur disparition. Istanbul sans ses chats ne serait plus vraiment Istanbul et leur absence serait à coup sûr le signe d’un sinistre présage.

Le film de Ceyda Türun n’est pas un simple documentaire sur les chats d’Istanbul.

Le film montre de façon très subtile l’attachement tissé entre les hommes et les chats. Il révèle la nécessité pour l’être humain de s’engager dans ce type de contact avec l’animal, dans cette sorte de complicité souterraine liée à l’habitude et quelque part sécurisante .

Si l’usage d’insecticide met en péril l’équilibre de la nature, assassine les espèces indispensables à notre survie, la disparition des chats, espèce peu utile à notre économie, ne se poserait pas en terme de perte d’utilité et d’efficacité mais à un niveau purement affectif. La chat n’est pas un animal utile, mais un animal «de confort».

La perte des abeilles ou la disparition des ours polaires nous questionnent mais restent dans une sorte de nébuleuse, de considération abstraite. La disparition qui pourrait toucher une espèce domestique qui nous concerne plus directement nous atteindrait beaucoup plus. Il faut voir l’homme que sa passion pour les chats de rue ont tiré d’une profonde dépression, partir à la recherche d’une chatte manquant à l’appel!

Loin du film animalier qu’on aurait pu faire sur le sujet, «Kedi » croise la présence de sept de ces chats de quartier en nous amenant très vite à saisir «la personnalité» de chacun, la particularité des regards, des attitudes, des comportements. Très vite, ils deviennent des personnages de cinéma devant une caméra à placée à«hauteur de chat» épousant les sinuosités de leurs parcours, esquissant les raisons d’un moment de pause ou au contraire d’une précipitation à atteindre le but.

C’est un film sensible, sans détour inutile ou opportuniste, un regard posé sur une ville et sur ses habitants, un regard sur les chats d’Istanbul, une catégorie unique de félins qui n’a pas grand chose à voir avec nos animaux de compagnie. Peut-être les chats d’Istanbul pourraient avoir un vague cousinage avec ceux de nos cimetières…

Superbe!

Francis Dubois


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