Un beau matin, alors qu’on n’en connaîtra pas les raisons, Pierre quitte Paul.

Il prend la route, sans destination précise, au volant de son Alfa-Roméo. Il n’a peut-être besoin que de nouveaux paysages, de rencontres éphémères, d’exprimer à l’égard des personnes avec qui il va faire un bout de chemin, sa disponibilité à l’autre, sa générosité profonde.

Il traverse la France, ses plaines, ses villages, ses montagnes, prend à bord de sa voiture une chanteuse de maison de retraite, une vieille femme traînant un caddie, son ancien professeur de français qui a vécu sa vie ou fait fausse-route et à l’occasion passe une nuit avec un jeune amant de passage.

Pour les rares rencontres homosexuelles qu’il va faire, Pierre utilise Grindr, une application de son téléphone portable qui recense et localise les occasions de drague.

De son côté, Paul a recours aux mêmes techniques, pour partir à la recherche de Pierre.

Au terme de quatre jours et de quatre nuits, parviendront-ils à se retrouver et ont-il l’un et l’autre le même désir de ces retrouvailles ?

Cinéma : Jours de France
Cinéma : Jours de France

Qu’on ne se méprenne pas sur ce film.

Car même si Pierre et Paul sont un couple d’homosexuels, il n’y a en tout et pour tout dans le film que quatre minutes de scènes gay.

L’essentiel de ce film magnifique qui rend hommage à la France à travers l’intimité de ses petits villages, ses immenses paysages, ou ses étonnants habitants, tient au personnage de Pierre, jeune homme troublant, distant autant qu’il est chaleureux, généreux, disponible, mais qui restera de bout en bout, également opaque.

Pascal Cervo, peu connu du public et qu’on a vu dans des films de Paul Vecchiali ou Laurent Achard, donne à Pierre, avec ce même demi-sourire inscrit sur son visage, une élégance, une douceur, une ambiguïté attachantes.

Rien dans son comportement égal, situé entre générosité et indifférence ne laissera transparaître de sa vraie personnalité, de son attachement ou pas à ses personnages de rencontre, de l’intérêt ou pas qu’il porte aux personnes.

Grâce à cette présence troublante dont « Jour de France » épouse les comportements contrastés, le film dégage à la fois une vraie énergie et une demi mélancolie.

Il s’en dégage autant de poésie quand les images s’attardent sur la laideur des abords des grandes villes, leurs périphéries industrielles, que lorsqu’elles se mettent au service des villages de la France profonde, des magnifiques paysages de montagnes, de ces routes en lacet dorénavant désertées, ou de l’effet cotonneux des premières neiges…

«Jours de Franc e» est un hymne à la solitude, la solitude consentie, la solitude recherchée, la solitude imposée. Elle établit un lien souterrain entre les personnages épisodiques, la chanteuse de maison de retraite qui va de village en village proposer son récital d’autrefois, l’ancien professeur reconvertie dans les livres anciens, la voleuse arrogante, la vieille dame au caddie qui joue de sa surdité, celle qui habite à proximité d’un lieu de drague et qui déverse au bord de la route tout son mépris à l’égard des homosexuels.

Jérôme Raybaud a adopté le principe d’une mise en scène contrastée avec des moments lents, contemplatifs, de subits resserrements du récit, des moments mélancoliques, et tout à coup, une scène comique assortie de répliques drôles.

Il ne faut absolument pas laisser passer ce film magnifiquement construit, complètement abouti qui est tout à l’honneur du cinéma français.

Francis Dubois


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