Parisienne d’origine, jeune mère célibataire, Stéphanie a tout quitté un jour pour réaliser son rêve, devenir éleveuse de moutons en Normandie, dans la région des près salés du Cotentin.
Elle s’est réinventée en apprenant le beau et dur métier de bergère mais il lui reste encore à prouver auprès des instances supérieures de l’agriculture qu’elle a fait le bon choix, c’est à dire qu’en respectant les règles administratives et avec un bilan comptable convainquant, elle a su malgré des méthodes artisanales, faire rentrer la vie de son exploitation dans une équation mathématique.
Delphine Détrie accompagne Stéphanie dans le déroulement de son quotidien, dans les joies et les difficultés de se vie rurale, dans ses moments d’euphorie et de découragement.
Stéphanie Maubé , avec deux autres jeunes femmes éleveuses, avait été un des personnages d’un film pour un magazine destiné à la télévision. Il est resté de ce tournage, un lien privilégié entre Stéphanie et la réalisatrice Delphine Détrie au point que celle-ci a eu envie d’y revenir et d’accompagner la bergère durant le passage délicat qu’elle a traversé entre 2016 et 2017 quand elle allait savoir si elle était officiellement reconnue dans la profession.
Le personnage et le film tiennent dans la réponse que Stéphanie donne à une petite élève en visite avec sa classe qui lui demande quel nom porte son métier.
« Officiellement ça s’appelle exploitante agricole, répond Stéphanie mais moi je préfère te répondre bergère. »
Bergère, Stéphanie l’est de toutes ses forces et sans compter, courageuse et passionnée mais on est loin de l’image qu’on peut se faire de l’éleveuse, de la personne rustique enveloppée dans des vêtements utiles à la fonction, le visage libre de tout maquillage, les cheveux pris dans un foulard…
Stéphanie est apprêtée, maquillée, soigneusement peignée, coquette. Le rouge aux joues, le rimmel sur les cils, les paupières peintes, sa silhouette parfaitement proportionnée de belle jeune femme explique sans doute en partie, avec sa situation de femme célibataire, l’hostilité qu’elle inspire à ses voisins exploitants qui peuvent en venir à détruire les clôtures de ses champs la nuit ou à subtiliser à l’occasion une ou deux bêtes de son cheptel.
« Jeune bergère » est le portrait d’une paysanne atypique au caractère bien trempé et déterminée à prouver qu’elle a fait le bon choix et qu’au milieu de ses brebis et de ses agneaux et en dépit de son look de parisienne branchée, elle est parfaitement à sa place dans les espaces boueux des près salés.
Le film est émaillé de moments émouvants ou savoureux. Dans le premier cas avec l’image persistante d’une brebis prostrée devant le cadavre de son agneau sans doute victime d’une attaque de corbeaux. Dans le second la longue séquence au cours de laquelle Stéphanie tente de convaincre son troupeau réfractaire d’affronter l’eau glacée d’une pièce d’eau du marécage.
Très belle construction contrastée et équilibrée pour introduire dans la paysage de l’élevage et de la ferme, un personnage inédit de paysanne.
Francis Dubois
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