«  J’aimerais qu’il reste quelque chose  », c’est la phrase que prononce une donatrice sans descendant qui vient déposer des documents personnels relatifs à la Shoah dont elle est en possession et qui n’a personne à qui les laisser.

Cinéma : J'aimerais qu'il reste quelque chose
Cinéma : J’aimerais qu’il reste quelque chose

Chaque semaine, une équipe de bénévoles du Mémorial de la Shoah à Paris recueille les témoignages et collecte les archives personnelles des anciens déportés encore vivants et de leurs familles, en possession de documents de toutes sortes. Des vestiges qui peuvent être des photographies, des lettres et des objets de toutes sortes.

Ces objets comme ils apparaissent dans le film : un brassard de fabrication artisanale avec une étoile juive griffonnée, une boite à cigarettes ou un porte-plume fabriqués avec des matériaux de fortune, travaux de marqueterie émouvants.

C’est entre mars et mai 2012, le départ de Sarkozy, l’avènement de Hollande, l’affaire Merah, massacre prémonitoire des drames suivants de Charlie Hebdo, l’Hyper Casher, le Bataclan, Nice, que Ludovic Cantais a commencé à ressentir la nécessité de la réalisation d’un film sur le travail peu connu des bénévoles du Mémorial de la Shoah.

A cette époque, le réalisateur travaillait en tant que documentaliste pour le Mémorial, sur le préparation de l’exposition «  Les enfants dans le Shoah  ».

Son travail consistait alors à négocier les droits d’auteurs et de représentation de plus de 300 archives et documents.

C’est là qu’il découvre que tous les mardis après-midi, des bénévoles accueillent des familles juives qui souhaitent faire don de leurs archives personnelles.

Le déclic final s’est produit chez Ludovic Cantais lorsqu’il a assisté pour la première fois aux entretiens ; et ces moments lui ont insufflé assez d’énergie et d’enthousiasme pour réaliser ce film.

C’était devenu très vite une nécessité d’immortaliser ces moments fragiles et fugaces quand un document de famille passe du domaine de l’intime à celui de l’institutionnel et du collectif.

Ludovic Cantais filme ces moments avec une caméra qui s’attache avec autant d’attention à ceux qui donnent qu’à ceux qui reçoivent, ceux qui racontent qu’à ceux qui écoutent.

Et ce double point de vue donne une dimension particulière et souvent un caractère poignant aux séquences des collectages.

De cette façon, le film qui offre à voir des moments émouvants, quelquefois bouleversants tant avec ceux qui maîtrisent leur émotion qu’avec ceux qui l’expriment quand l’émotion les submerge. Mais le déroulement de ces séances peuvent être émaillés de moments d’une spontanéité savoureuse, drôles dont la mise en scène fait des îlots de détente.

« J’aimerais qu’il reste quelque chose » n’est pas un film d’histoire sur la Shoah. Il n’est pas un film d’historien mais bien un film sur la mémoire qui opte pour un dispositif minimaliste ou rien n’est jamais démonstratif.

Ici, c’est l’immédiateté de la mémoire qui est au rendez-vous, c’est sa mise à nu et l’histoire sert de garde-fou à la mémoire en tempérant la vivacité qui découle de cette immédiateté, en offrant une mise en perspective qui donne leur sens aux photographies, aux lettres et à tous les objets rescapés de Pithiviers.

« J’aimerais qu’il reste quelquechose  » est un film qui montre la mémoire à l’œuvre…

Francis Dubois


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