Sur une île si petite qu’elle n’apparaît pas sur les cartes, entre Afrique et Europe, Dai, une jeune chinoise enceinte s’est échouée comme par magie.
Chaque jour, postée sur la plage où elle allume des bougies, elle dévisage les migrants qui débarquent, espérant, parmi eux, reconnaître le père de son enfant à naître.
Dans des conditions de vie rudimentaires, Dai doit tout réinventer pour survivre.
Elle découvre, dans une grotte, une enclave où l’imaginaire est roi, qu’elle rend habitable et où elle et son enfant pourront peut-être échapper à la violence qui gronde dans le monde.
Pour renouveler le sujet des migrants qui débarquent au péril de leur vie sur les côtes européennes, Fabianny Deschamps s’est délibérément écartée du réalisme en faisant le choix d’un lieu inédit et en dégageant ses personnages des contraintes matérielles de survie.
Elle a opté, pour occuper le centre de son récit, pour un personnage peu en prise avec le réalité et qui, par sa seule présence pour moins imprévisible, fait de son film une sorte d’exercice de style qui à la fois traite le sujet et l’en éloigne..
La multitude de questions qu’on peut se poser à propos du personnage de Dai détourne le film de son objectif politique. Comment cette jeune femme a pu débarquer sur cette île ? Quel est ce prisonnier vivant dans une cage à l’intérieur de la grotte ? Quel est cet homme aux apparitions épisodiques qui semble vouloir aider la jeune femme ? Qui est le père de son enfant dont elle attend l’arrivée, auquel elle se dit fidèle, même si, pour subsister et contre un peu d’argent, elle se donne à d’autres hommes.
L’interprétation de la comédienne Yiling Yang apporte plus de mystère au personnage qu’elle ne le définit.
Son comportement imprévisible laisserait parfois penser que Dai ne dispose pas toujours de toutes ses facultés mentales. Mais la folie qui pourrait la toucher est-elle une explication à sa présence sur l’île ou bien est-ce les circonstances douloureuses qui l’ont amenée à ne pas toujours maîtriser ses comportements ?
L’étrangeté du personnage et par conséquent du récit, l’étrangeté des lieux et de certains de ses occupants, celles de certaines situations donnent au film de Fabianny Deschamps les contours narratifs d’un conte.
Œuvre originale «Isola» utilise plus le sujet de l’immigration qu’elle ne le traite. Cependant, on peut se laisser porter par l’atmosphère singulière où baigne ce récit, les paysages, la composition magnifique et déroutante de Yiling Yang…
Francis Dubois
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