Ayant atteint ses dix huit ans, Manuel doit quitter le Centre pour adolescents où il a séjourné depuis l’incarcération de sa mère, cinq années plus tôt. Le foyer est devenu pour lui un «cocon» où il a non seulement trouvé sa place et ses repères, mais où il s’est imposé comme une sorte de médiateur calme et efficace lorsqu’une difficulté ou un conflit surviennent entre des jeunes pensionnaires et l’encadrement.

Pour le jeune homme le départ du Centre qui devrait le réjouir et la liberté retrouvée ont au contraire un goût amer. Sans doute parce que les vastes espaces de la liberté l’angoissent mais surtout parce que l’obtention de l’assignation à résidence de sa mère dépend de lui, de sa capacité à l’assister et de la preuve apportée à l’administration en charge du dossier, qu’il est devenu l’adulte responsable qui convient. Mais Manuel pourra-t-il aider sa mère à retrouver sa liberté sans être obligé de renoncer à la sienne?

Cinéma : Il figlio Manuel
Cinéma : Il figlio Manuel

En 2015, Dario Albertini réalisait un documentaire, « La repubblica dei ragazzi » qui évoquait la naissance, dans l’immédiat après-guerre, d’une structure chargée d’accueillir les enfants sans famille, principalement des orphelins de guerre. Durant deux années, le réalisateur a fréquenté régulièrement cette institution et de ses observations, il a surtout retenu le moment où les adolescents, frappés par la «limite d’âge», devaient quitter le Centre et effectuer leur «saut dans le vide».

Il n’était pas allé au bout du sujet dans le documentaire et c’est la raison pour laquelle il a fait de ce moment crucial et du goût d’amertume de la liberté le principal motif de son long métrage, au scénario duquel il a ajouté des histoires vraies que lui avait livrées le directeur de l’Institut.

Et aux déambulations de Manuel dans la banlieue de Rome, il a greffé les apparitions parfois très fragmentées de personnages parmi lesquels on peut reconnaître les silhouettes de ceux qui étaient déjà apparus dans des documentaires ou des courts métrages précédemment réalisés.

Il n’y a, dans ces rencontres que fait Manuel, que ce soit d’anciennes relations avec qui il renoue ou des occasions fortuites, rien de systématique et chacun des épisodes qui en résulte a sa propre émotion, son cadre, sa coloration.

Qu’il s’agisse de la jeune apprentie comédienne qui consacre son temps libre à aider autour d’elle ceux qui en ont besoin et qui hésite pour son avenir entre le théâtre et l’aide humanitaire et dont le flot de paroles cache certainement un profond désarroi ; du mauvais ange qui menace de faire sortir Manuel hors de la ligne exemplaire qu’il s’est tracée ; de l’ébéniste à qui il est chargé de restituer un tableau qu’il a peint dans son enfance et qui se sert de la présence de Manuel pour faire avec lui une pause coquine dans un lupanar, aucun n’est hors-sujet et tous, dans une brève apparition, contribuent à rassurer autant qu’à inquiéter Manuel à propos de l’humanité.

Quel bénéfice tirera-t-il de chacune de ces rencontres et chacune l’aura-t-elle aidé à la difficile mission qui l’attend, lui qui, à l’âge où généralement on quitte sa famille, va devenir le fils qu’il n’a jamais pu être ?

Le film de Dario Albertini repose bien sûr sur le personnage de Manuel et sur la magnifique interprétation qu’en donne le jeune Andrea Lattanzi. Il repose aussi sur la délicatesse avec laquelle le réalisateur traite les personnages satellites de l’histoire et qui composent une sorte de puzzle narratif contribuant à dresser le motif final. Ce motif final tout entier contenu dans le regard face caméra que lance au spectateur le jeune Manuel, comme un appel à l’aide mais peut-être comme la promesse qu’il tiendra parole.

Le cinéma italien serait-il en train de renouer avec le néo-réalisme où il a excellé autrefois?

Francis Dubois


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