Shuta, une fillette de 9 ans, semble seule et sans famille. Est-ce le mystère autour de sa présence isolée et mutique qui la rend suspecte auprès des villageois quand ils l’accusent de sorcellerie au point de l’envoyer dans un camp de sorcières ?

Elle est mise en cause pour la seule raison qu’en sa présence, une femme a trébuché et renversé son seau d’eau ou qu’un homme l’a vue, le menaçant d’une hache, au cours d’un rêve.

Dans la camp des sorcières, où elle se trouve entourée de femmes bienveillantes condamnées comme elle par la superstition des hommes, la fillette finit par se croire vraiment frappée d’un sortilège.

Devant le tribunal qui la condamne, elle est soumise à deux solutions. Ou bien elle s’échappe et se retrouve transformée en chèvre ou elle reconnaît qu’elle est maudite et intègre définitivement le camp des sorcières.

La petite Shuta préférera-t-elle vivre prisonnière dans la camp ou libre comme une chèvre ?

Cinéma : Je ne suis pas une sorcière
Cinéma : Je ne suis pas une sorcière

Le tout premier plan travelling du film, après avoir balayé le paysage environnant du camp, s’arrête sur un étrange groupe de femmes assises au sol, le visage en partie peint, prisonnières au bout de rubans dont la longueur détermine leur champ de liberté.

Un groupe de touristes vient les observer comme des bêtes curieuses, se renseigner à leur propos.

Les camps de sorcières n’existent pas seulement en Zambie où le film de Rungano Hyoni a été tourné. Ils existent partout en Afrique sous des formes très variées.

La croyance en l’existence des sorcières est omniprésente et se manifeste sous de nombreux aspects.

Cependant, « Je ne suis pas une sorcière» qui s’inspire de ces croyances bien réelles, est un pur conte.

Si le récit est émaillé des images récurrentes des apparitions de ces femmes fictivement «enchaînées» par des rubans. S’il est régulièrement habité des manifestations de haine que les sorcières suscitent en même temps qu’elles inspirent une sorte de respect pour ne pas dire de vénération souterraine, le plus fort du récit réside dans la présence de Shuta.

De la force de son regard, de ce mélange d’attention soutenue et d’«absence» qu’on peut y lire, ressort l’impression étrange que cette fillette n’appartient pas tout à fait au domaine des humains.

Il est évident que le film doit beaucoup à la présence de cette étonnante jeune comédienne au départ totalement étrangère au domaine du cinéma, que Rungano Nyoni, après l’avoir remarquée en photo a, pendant des mois, recherchée auprès des chefs de villages.

« Je ne suis pas une sorcière  » traite ces croyances ancestrales reconduites au fil des siècles et qui n’ont pas perdu leur force et leur virulence comme une injustice flagrante. Mais le film ne néglige pas dans son déroulement et en filigrane, le besoin pour certaines populations africaines de cette sorte de «béquille» mystique. De là à voir dans la soumission des femmes sorcières, dans cette adhésion passive à la croyance, une sorte de mystérieuse complicité.

Un très beau film-conte qui nous renvoie fatalement aux superstitions contre lesquelles il nous est parfois difficile de lutter.

Francis Dubois


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