Le Président Bird, après avoir convaincu le peuple au moment de son élection, voit quelques temps plus tard, sa côte de popularité dégringoler de façon alarmante.
Michel Battement, son directeur de communication, ne sachant plus comment procéder pour requinquer l’image du Chef de l’Etat réunit, pour une consultation secrète, un panel de citoyens
parmi lesquels de prestigieux cerveaux du pays.
Avec « Gaz de France » Benoît Forgeard aborde le sujet de la communication en politique et du « Storytelling » que pratiquent les hommes de pouvoir.
Tous les ingrédients qu’il utilise auraient pu, avec un autre réalisateur, déboucher sur une comédie hilarante mais, d’évidence, ses intentions étaient autres et cette sorte de discrétion avec laquelle il conduit son sujet, l’intelligence avec laquelle il utilise et réduit les ressorts comiques sont louables mais risquent d’être peu « payants ».
Le scénario du film de Benoît Forgard détient un fort potentiel comique mais qu’il refuse d’utiliser à fond. Il reste sur une réserve qui conduit à penser, à la fin de la projection de « Gaz de France« , que son récit est à la fois trop « déjanté » et pas assez, qu’il y manque l’étincelle qui pourrait embarquer et convaincre le spectateur.
Son président de République (interprété avec beaucoup de finesse par le chanteur-comédien Philippe Catherine) est une sorte de pantin tout à l’écoute de son conseiller en communication. Mais, pour rester dans le domaine de la crédibilité, la seule latitude de jeu qu’il accorde au comédien est dans les regards, dans une gestuelle restreinte, une délicatesse, voire une frilosité dans les attitudes.
L’exercice est convaincant, tout à fait novateur. Pourtant, il atteint très vite ses limites et on se retrouve dans l’attente d’autre chose, d’un déclic qui est dans l’intention, mais que Benoît Forgeard
semble s’interdire. Peut-être pour rester sur une ligne hors des sentiers battus des codes de la comédie traditionnelle et rester dans ceux de l’œuvre vouée à la recherche.
Pour détruire tout risque de réalisme, toute concession à la moindre facilité narrative, le metteur en scène opte pour une théâtralité tant dans la mise en scène proprement dite que par le choix d’un décor stylisé, le plus éloigné possible du réalisme et de la vraisemblance.
Benoît Forgeard n’exploite pas plus les situations qu’il met en place, que le potentiel de ses personnages, que celui des comédiens dont il a fait un choix judicieux.
Ainsi, l’assistante du conseiller en communication qui est interprétée par Elisabeth Mazev, comédienne de théâtre dont la nature se prête à la fantaisie pour ne pas dire au comique, est d’un bout à l’autre dans la retenue et du coup, un peu cadenassée, réduite à la portion congrue de ses capacités.
Ainsi, le personnage du conseiller lui-même qui ne sort jamais de l’austérité alors qu’il est, même si c’est d’une façon souterraine, porteur de drôlerie, voire de cocasserie.
Pourquoi Benoît Forgeard ne s’autorise-t-il pas quelques portes de sortie du côté du rire ? Pourquoi a-t-il donné à son film le titre rébarbatif de « Gaz de France » qui en découragera plus d’un et tous ceux qui seront loin de se douter qu’une telle appellation cache une œuvre originale, complètement nouvelle dans la paysage du cinéma français et souvent savoureuse?
Francis Dubois
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