Jérémie est un comédien trentenaire dont la carrière est au creux de la vague. De plus, sa jalousie maladive met à mal sa vie sentimentale et le couple qu’il forme avec Albert bat de l’aile.

Accumulant les déceptions et face à un avenir obscurci, il décide de quitter Paris et de se rendre sur sa terre d’origine, le Limousin et de tenter de se réparer auprès d’une mère débordante d’amour.

« Garçon chiffon » s’ouvre sur une scène de comédie : une réunion des « jaloux anonymes » à laquelle Jérémie participe pour la première fois. Mais l’histoire ne va traiter ce sujet qu’en sourdine pour tendre vers plus de gravité, avec une rupture amoureuse douloureuse et une tentative de reconstruction dans un univers familial aussi rassurant que menaçant.

Le sujet de départ de « Garçon chiffon » est la jalousie poussée à l’extrême dont Jérémie, se référant à Roland Barthes, dit qu’elle lui brûle le sang : « Comme jaloux, je souffre quatre fois : d’être exclu, d’être agressif, d’être fou et d’être commun. »

Mais si la jalousie maladive est le support narratif des premières séquences du film et si la jalousie accompagne le récit de bout en bout, « Garçon Chiffon » traite de bien d’autres sujets comme les conditions de toute cette frange d’artistes comédiens qui travaillent par intermittence et qui, entre deux périodes de travail, se trouvent dans l’incertitude du lendemain.Une profession où rien n’est jamais acquis et que Nicolas Maury situe dans un monde qui, pour être élégant et raffiné, n’en est pas moins cruel et individualiste.

Les rapports mère-fils entre une femme à la forte personnalité qui a intégré l’homosexualité de son fils au point de conserver à son égard une attitude protectrice et de continuer à l’appeler, comme quand il était petit : « garçon chiffon », sont ici finement traités.

Nicolas Maury a co-écrit avec entre autres, la cinéaste Sophie Filière, une histoire où les deux personnages principaux génèrent par leur comportement autant de drôlerie, de fantaisie que de tragique. Les sujets sont poussés parfois jusqu’au pathétique sans pour autant que le film se prive de fantaisie, de fantasque avec parfois un détour par le fantastique : au cours d’une séquence Jérémie est secouru par un groupe de religieuses qui le « dépannent » en lui faisant revêtir un habit de nonne.

« Garçon chiffon » dont le personnage principal fait écho à la personnalité du comédien Nicolas Maury est une œuvre personnelle, originale qui, qu’elle apparaisse audacieuse ou conventionnelle, brille par son inventivité et sa force créative.

Nicolas Maury s’est attribué le personnage de Jérémie et on est tenté de se poser la question de savoir, tant il colle à la partition, ce qu’aurait été le film si le rôle avait été interprété par un autre comédien.

Il aurait sans doute été très différent et on est en droit de supposer que, même si le jeu très typé du comédien atteint parfois ses limites, il était indéniablement l’interprète qui convenait.

Nathalie Baye intervient en « grande dame ». Arnaud Valois(120 battements par minute) et Théo Christine sont parfaits et toutes les participations amicales, de Dominique Reymond à Florence Giorgetti en passant par Jean-Marc Barr ou Laure Calamy et bien d’autres, apportent chacun une sorte de clin d’œil complice au cinéaste.

On attend avec d’autant plus impatience le prochain film de Nicolas Maury que cette première réalisation est déjà une belle réussite.

Francis Dubois

« Garçon chiffon » Un film de Nicolas Maury (France) Re-sortie en salles le 15 décembre 2020.


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