Youri, seize ans, a grandi à Gagarine, une immense cité d’Ivry sur seine. Son rêve a toujours été de devenir cosmonaute. Avec la complicité de Diane, Houssam et de quelques habitants voisins, il se donne pour mission de sauver la cité de sa destruction annoncée depuis des années. C’est dans les caves de l’immeuble et dans les espaces désertés par ceux qui ont anticipé leur départ et accepté un relogement qu’il construit dans le droit fil de sa passion, le vaisseau spatial salvateur.

En 2014, la cité Gagarine regroupant 370 logements, symbole de modernité d’une époque et remède à l’insalubrité des bidonvilles, est menacée de disparition. Les habitants qui acceptent de quitter la cité sont relogés et rompent avec des décennies d’une existence à laquelle certains restent attachés. Les parents de Youri étaient parmi les premiers arrivés dans la cité bien avant la naissance de leur garçon. Pour Youri, qui n’a connu qu’elle, voir disparaître cette cité, c’est voir mourir ses souvenirs, c’est rompre avec ses rêves d’enfant, rompre avec ses amis et avec une communauté à laquelle il est profondément attaché. La cité Gagarine n’est pas pour lui une utopie du passé devenue obsolète, c’est son présent et le terreau de son avenir.

Mais si Youri est bien ancré dans la cité, il a la tête dans les étoiles et il est attaché à un événement marquant : Youri Gagarine venu en personne inaugurer la cité qui porte son nom dans les années 60.

Des amis architectes des deux réalisateurs les avaient chargés de faire une étude sur la démolition future de la cité et en même temps, de dresser le portrait de quelques habitants et de recueillir leurs témoignages. Au cours de cette étude, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh ont été frappés par certains propos recueillis et c’est à travers ces rencontres que petit à petit s’est dessiné le personnage de Youri. Des ateliers vidéo ont été mis en place avec les habitants volontaires. C’est au fil de ces entretiens, des regards portés sur une cité chargée d’histoire, représentative d’une époque et chargée d’un nom illustre qu’est apparu, à travers le personnage central d’un adolescent passionné, et qu’est née l’idée de la construction d’un vaisseau spatial. L’urgence a été alors de donner vie à ce regard. Youri allait créer dans les caves de l’immeuble un vaisseau spatial qui deviendrait bientôt pour lui mais aussi pour d’autres, un lieu de résistance.

L’originalité et la force du récit résident dans la fluidité avec laquelle le scénario associe intimement utopie et réalisme. L’utopie est dans la folle entreprise de Youri, dans la totale croyance à voir son projet aboutir, le réalisme dans la peinture au plus près d’un environnement et d’une réalité sociale.

En investissant les caves et autres espaces vacants de la barre d’immeuble et en les transformant en lieu de résistance, du haut de ses seize ans et de la force de ses convictions, Youri cède à la fois à une passion, à son attachement à une communauté et à la certitude qu’il pourra se mesurer aux bulldozers. Une série de portraits qui échappent aux clichés accompagnent celui de Youri tout entier livré à son projet utopique. Avec des films comme «  Gagarine », « Petitemaman » ,« Mandibules », « La nuée » ou « Il n’y aura plus de nuit », on ne pourra plus dire du cinéma français qu’il se limite à des sujets nombrilistes…. « Gagarine » est une œuvre puissante et généreuse, profondément originale et qui, de plus donne une image vraie et positive de la banlieue.

Francis Dubois

« Gagarine » un film de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh sortie en salles le 23 juin


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