Au Cambodge, Chakra vit dans une famille pauvre dont tous les membres sont exploités, employés dans les rizières. A quatorze ans, il travaille dur et subit l’autorité d’un père excédé par la misère ambiante et l’absence de toute perspective d’une vie meilleure.
Lassé de cette autorité aveugle, il finit par solliciter un passeur pour trouver un emploi rémunéré dans une usine en Thaïlande. Sans prévenir ses proches, il se rend jusqu’à Bangkok dans l’espoir d’y décocher un travail.
En arrivant sur place, Chakra accompagné de son nouvel ami, un père de famille d’une trentaine d’années poussé à l’exil par la misère, il déchante. L’un et l’autre découvrent qu’on leur a menti sur la destination du voyage.
Mais il est trop tard et les voilà d’autorité, comme d’autres cambodgiens et birmans, vendus comme esclaves au capitaine d’un chalutier de pêche.
Prisonniers de la mer, ils sont soumis à une cadence de travail insoutenable et subissent les humiliations constantes et la violence de la part de l’équipage.
C’est à la lecture d’un article sur les conditions de travail à bord d’un chalutier thaïlandais que Rodd Rathjen a eu l’idée de réaliser un film qui dénoncerait l’esclavage moderne et l’exploitation humaine en Thaïlande.
En tant que citoyen australien, il n’était pas très à l’aise pour parler des cambodgiens dont la culture était très éloignée de la sienne. Des recherches adaptées au projet ont été entreprises et Rodd Rathjen n’a cessé de les approfondir afin que « Freedom » soit d’une justesse absolue à tous points de vue.
Et c’est également pour plus de justesse qu’il a choisi ses interprètes, y compris le personnage de Cherka, parmi des cambodgiens et des birmans travaillant à bord de ces chalutiers, espaces d’esclavage et soumis à des rythmes de travail insoutenables.
Dès les premières scènes du film, Cherka apparaît comme un garçon charismatique, déterminé à échapper à un destin de soumission.
Et c’est dans la lente évolution du personnage que le film construit sa dramaturgie. La force du regard du garçon, en dépit d’un rapport de force établi et difficile à ébranler opère sur son entourage l’ébauche d’une autorité, en dépit des circonstances.
En dehors des premières séquences du film qui se passent dans les rizières, « Freedom » est essentiellement un huis-clos où la confrontation grandit entre les dominants installés dans la cabine de pilotage et Cherka dont longtemps la seule arme restera le force et la détermination du regard.
A quel prix s’élèvera la liberté à laquelle prétendra Cherka ?
Il lui faudra faire table rase de tous les obstacles et pas des moindres qui jalonneront son chemin, accéder jusqu’à la violence au-delà même de celle que lui et ses confrères d’infortune ont connue chaque jour.
Le chemin vers la liberté sera long pour le jeune garçon…
Un film dur où le documentaire prend le pas sur la fiction. Tant de cruauté humaine était nécessaire pour rendre palpable le fait qu’aujourd’hui dans l’impunité totale, des dizaines de milliers de jeunes hommes acculés à la misère vivent à bord de chalutiers dignes de l’enfer…
Francis Dubois
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