Lorentiu Ginghina vit dans la petite ville de Vasliu en Roumanie depuis 1972. Le jour, il est haut fonctionnaire assurant des fonctions à la Préfecture de la ville et la nuit, il élabore de nouvelles règles pour un football revisité.
Des innovations qui révolutionneraient considérablement ce sport en augmentant la vitesse du jeu et en réduisant les fautes qui sont souvent à l’origine des accidents dont sont victimes des joueurs.
Ces blessures qui ont coûté à Lorentiu sa présence active sur les terrains.
«Match retour», qui, même s’il n’était pas, selon les propres propos du réalisateur,un film à proprement parler sur le foot, se référait à ce sport. Corneliu Porumboiu y faisait référence à son enfance au cours de laquelle il a fait partie d’une équipe de foot et à son père qui a longtemps exercé les fonctions d’arbitre au cours de nombreux matchs.
Il se trouve que Lorentiu Ginghina est un ami d’enfance du frère du réalisateur, qu’il vit toujours dans sa ville natale et qu’il a confié un jour qu’il réfléchissait depuis longtemps à un nouveau sport qui serait une émanation du football.
Quinze années plus tard, lorsque Cornéliu Porumboiu a découvert que Lorentiu travaillait toujours sur le sujet de la rénovation des règles du foot, il a pris la mesure de la force d’un projet qui méritait d’être considéré avec plus de sérieux qu’il ne l’avait imaginé.
Le rapport qui s’établissait entre l’histoire personnelle de Lorentiu Porumboiu et sa constance à revisiter les règles du foot s’est mis à intéresser le réalisateur.
Le passionné des stades imaginait ces nouvelles règles à partir de son expérience personnelle de familier de terrain de foot.
Ainsi, la forme octogonale du nouveau terrain qu’il imaginait émanait du souvenir de ses blessures. La suppression pure et simple des espaces où il avait été blessé rejoignait des travaux déjà engagés sur le sujet aux États-Unis et sur le recyclage des lignes de hors jeu.
Pourtant le personnage, même s’il est passionné par ses travaux de recherches et par le souci de se faire entendre, quand il est confronté aux difficultés de ses fonctions à la Préfecture, change de casquette pour être amené à régler des problèmes humains et se voir confronté à des tracasseries administratives très loin de ses préoccupations obsessionnelles.
Le film de Corneliu Porumboiu déroute dans un premier temps quand on se pose la question de savoir qui est Lorentiu Ginghina.
Est-ce un farfelu, un illuminé qui se serait mis en tête de renouveler les règles ancestrales du football et qui pour convaincre de la nécessité de ces changements, s’appuie sur les accidents dont il a été victime, qu’il attribue à un mauvais agencement du terrain et qu’il narre avec insistance et abondance de détails ? Un homme sincère, convaincu du bien fondé des réformes qu’il propose ?
Un mégalomane en mal de reconnaissance pris dans un engrenage obsessionnel ?
Il sera difficile de trancher mais le personnage, à mesure qu’avance le récit, prend une sorte d’ampleur et se charge d’une telle humanité qu’il devient crédible.
Au final, après des hésitations « Football infini » prend une tournure passionnante et la forme d’une œuvre originale qu’on n’aurait pas pu imaginer au moment des premières images.
Un générique de fin totalement inattendu renforce l’originalité du documentaire.
Francis Dubois
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