Elles ont à peine vingt ans et elles affrontent, en guerrières, l’état islamique au Kurdistan syrien.
Dans cet endroit du monde où l’homme marche devant et la femme derrière, le fait qu’elles aient pris les armes à égalité de leurs frères revêt une signification particulière.
Ces combattantes sont connues : leurs foulards de couleur, leur calme, leur détermination et leur courage ont fait le tour du monde.
Le film de Stéphane Breton n’est pas un reportage de guerre. C’est la restitution de la vie de ces femmes au quotidien dans un décor en ruines avec, en toile de fond, l’attente, la non assurance du lendemain ou de l’instant prochain, la fraternité, les veillées d’armes autour du souvenir de ceux qui ont disparu. Ces combattantes kurdes qui viennent majoritairement de familles paysannes, on les appelle les Filles du feu.
En filigrane de ce qu’on pourrait appeler un reportage, on lit l’abnégation de ces jeunes femmes, leur renoncement à tout, à leur vie de femmes, de filles, un rapport à l’autre passé par le filtre de l’exigence de la mission dans laquelle elles se sont engagées.
Elles vivent séparées des combattants hommes, dans des maisons ou à des étages distincts mais elles combattent côte à côte avec eux.
Il n’y a entre eux ni violence ni soumission, beaucoup de respect mais ils ont l’interdiction d’engager le moindre écart sentimental entre eux.
Elles se concentrent sur un objectif unique qui peut à tout instant engager leur vie dans un climat de tranquillité qui peut paraître paradoxal.
Et ce qui ressort du film c’est que la révolution de ces jeunes kurdes n’est pas seulement une bataille engagée contre Daech et Bachard El Assad mais également la tentative de construire un modèle nouveau de société.
Face au régime corrompu et cruel du dictateur et à la violence des islamistes, les combattants kurdes proposent un modèle de société dans lequel la politique et la parole auraient droit de cité, où les hommes et le femmes auraient les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Le simple fait de donner la possibilité à une femme de prendre une arme est une avancée considérable dans une société régie par un islam radical.
Même si beaucoup d’entre elles meurent au combat, dans le film de Stéphane Breton, elles n’apparaissent jamais comme des héroïnes. Leur engagement dans le combat les renvoie à une société égalitaire représentée par un modèle «exemplaire» même si l’interdiction d’amour, de reproduction, en fait un modèle stérile.
Comment ces jeunes femmes qui ont sans doute hérité de la réputation de combattant de leur peuple survivent-elles à des conditions de vie draconiennes ? et c’est peut-être l’atavisme guerrier qui leur permet de résister au front alors qu’à la différence des combattants islamistes (que les kurdes appellent des mercenaires), elles ne reçoivent aucun salaire et ne possèdent rien.
Elles survivent grâce au thé, à des maigres ravitaillements et aux cigarettes.
Le film de Stéphane Breton n’insiste pas sur le mythe qui s’est construit autour des «Filles du feu». Le film est le résultat d’un très long travail d’immersion dans le monde des combattantes à l’exclusion de scènes de combat qui représentaient un trop grand danger auquel les jeunes femmes ne voulaient pas voir s’exposer le cinéaste.
Stéphane Breton est resté en marge de la guerre et c’est peut-être pour mieux saisir à quoi ressemble la vie quand tout peut se terminer l’instant d’après.
Francis Dubois
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