En 1945, Eva Duarte épouse le colonel Juan Peron qui est élu, trois années plus tard, Président de l’Argentine.

Avec le vote des femmes et la création d’une fondation consacrée au travail social, Eva Peron atteint un tel degré de popularité que le peuple souhaite la voir devenir Vice-Présidente.

En 1951, Juan Peron est réélu mais en 1952, Eva Peron est emportée par un cancer foudroyant, à trente-trois ans.

Son corps est embaumé selon une technique de pointe qui devrait le conserver intact et ses obsèques durent quinze jours.

En 1958, après que les forces armées ont renversé Juan Peron, afin d’éviter une insurrection, les militaires livrent en secret le corps d’Eva au Vatican.

En 1971, le corps d’Eva est rapatrié en Argentine mais un nouveau coup d’État survient en faveur des militaires qui enterrent la dépouille d’Eva à Buenos Aires, en pleine nuit, sous six mètres de béton.

Le corps d’Eva Peron aura « disparu » comme de nombreux péronistes assassinés par la junte militaire.

Cinéma : Eva ne dort pas
Cinéma : Eva ne dort pas

Eva Peron reste la figure la plus importante de l’Argentine.

Aimée ou haïe, sa dépouille est devenue l’enjeu des forces qui se sont affrontées dans le pays pendant vingt-cinq ans.

Aujourd’hui son portrait en grande échelle surplombe Buenos-Aires et les principaux syndicats et mouvements sociaux revendiquent son héritage.

« Eva ne dort pas  » commence le jour de la mort d’Eva Peron et se termine avec son enterrement, vingt-cinq ans plus tard.

Personne, auparavant, n’avait évoqué la véritable et incroyable histoire des différentes disparitions du corps de celle qui fut l’une des plus grandes figures politiques de l’histoire contemporaine et dont le poids historique repose plus sur l’introduction du concept de justice sociale que sur un programme politique.

Elle fut et restera l’objet d’une revendication populaire que personne ne pourra faire taire et même morte, même avec le temps, elle continue de vivre dans les idéaux de milliers et milliers de personnes qui l’ont adoptée comme une mère de l’insurrection.

Le film de Pablo Agüero qui ne revendique pas le fait d’être une reconstitution objective, se place du point de vue inhabituel des oppresseurs pour éviter de tomber dans l’empathie sans nuances et pour éviter au spectateur une lecture unique.

«  Eva ne dort pas  » assume le risque d’ouvrir sur un débat qui mette le spectateur dans une situation de liberté dérangeante face aux ambiguïtés et aux contradictions de l’histoire.

Et le film choisit comme cadre une trilogie inattendue qui montre l’embaumeur, le séquestreur et le militaire ayant ordonné la disparition de corps.

La distribution des rôles ajoute à la singularité du récit. Le sympathique et beau Gaël Garcia Bernal interprète le plus sanguinaire des dictateurs. Daniel Fanego qui a milité au sein du péronisme toute sa vie interprète le bourreau et Denis Lavant est une allusion anachronique aux militaires français qui introduisirent en Amérique latine, la doctrine de la « lutte antisubversive », de la torture et de la disparition des personnes.

Une œuvre originale, singulière par sa construction qui prend les libertés artistiques nécessaires pour construire, s’appuyant sur la vérité des faits, non pas « la » mais « une » version de l’histoire.

Passionnant !

Francis Dubois


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