Une amitié de longue date existait entre le cinéaste Alain Cavalier et la romancière essayiste Emmanuèle Berheim. Après la lecture du livre d’Emmanuèle Berhein, «  Tout s’est bien passé  » Alain Cavalier lui propose de mettre son livre en film. La romancière y raconte un épisode douloureux de sa vie, celui où, à la suite d’un accident cardio-vasculaire, son père dont la vie a totalement changé lui demande de l’aider à en finir avec l’existence.

Emannuèle Bernheim se laisse convaincre par son ami. Dans le film, elle interprétera son propre personnage et Alain Cavalier, le personnage du père mais au moment où le travail à deux mains est engagé, la romancière annonce au cinéaste que la préparation et le tournage du projet vont devoir être reportés car elle vient d’apprendre qu’elle est gravement malade et qu’elle doit d’urgence subir une opération chirurgicale lourde….

Cinéma : Etre vivant et le savoir
Cinéma : Etre vivant et le savoir

Alain Cavalier est un électron libre du cinéma français, un cinéaste qui, refusant les contraintes, va où son inspiration le pousse, sans soucis de rentabilité, toujours suivi par une presse souvent élogieuse à son égard et un public fidèle. Tout le destinait à un cinéma engagé, populaire et exigeant, quand tout de suite après avoir été l’assistant de Louis Malle, il réalise «  Le combat dans l’île  » en 1962 avec J. L. Trintignant et Romy Schneider. Suivront, dans un même souci d’exigence, « L ‘insoumis » en 1964 avec Alain Delon et bientôt l’adaptation d’un roman de Françoise Sagan «  La chamade  » avec au générique Catherine Deneuve et Michel Piccoli. Les films qu’il réalisera à la suite, «  Le plein de super  » en 1976, «  Martin et Léa  » et 1979 et «  Un étrange voyage  » en 1981 verront s’amorcer une œuvre plus personnelle, plus intime, une sorte de parenthèse intermédiaire où se dessinera le contour de sa filmographie prochaine.

Le succès de «  Thérèse  » couronné au Festival de Cannes et qui récolte de nombreux prix aux « César » en 1987 marquera la fin d’une période pourtant riche et exigeante.

Il réalise alors une série de vingt quatre portraits d’artisans voués à une prochaine extinction.

En 2004, il réalise « Irène » , un film en souvenir de son épouse Irène Tunc disparue dans un accident de la circulation.

«  Etre vivant et le savoir  » est d’une veine proche d’  « Irène  » qui était une réflexion sur la mort et sur tout ce qui nous survit, les objets qui nous entourent, sur la nature.

Et on pourrait également rapprocher le film de celui qu’il réalisa en 2011 «  Pater  » où il endossait le costume d’un président de la république complice de son premier ministre joué par Vincent Lindon.

Puisque le projet de film initialement engagé ne pouvait se faire à cause de la maladie de sa co-auteure, Alain Cavalier va réaliser un film à la périphérie de l’adaptation du roman d’Emmanuèle Bernhaim moins encore sur la maladie et la mort que sur les objets qui nous entourent et qui nous survivront.

Le cinéma d’Alain Cavalier retrouve ici une tonalité plus intimiste que jamais ainsi que totalement son talent de « filmeur » et de constructeur d’images à la fois éphémères et définitives dont se dégagent une force mélancolique et une indéniable poésie.

Une magie habite autant une caméra virtuose qu’un imaginaire avec les éléments d’un puzzle débouchant sur une œuvre totale et cohérente.

Plus que magnifique, sublime.

Francis Dubois


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