Ambre, Camille, Charles, Imad et Tugdual ont entre six et neuf ans. Ils sont tous les cinq atteints d’une maladie grave qui les soumet au quotidien à des traitements médicaux lourds et contraignants, parfois douloureux.
Est-ce parce qu’ils n’ont jamais connu de répit à la maladie depuis la petite enfance, qu’ils ont fini par apprivoiser leur mal à force de cohabiter avec lui et qu’ils nous donnent, chacun à sa façon, tout au long du film, une leçon de lucidité, de maturité et de vie.
Ils connaissent leur maladie. On ne leur a jamais caché la vérité sur le danger qu’ils encourent, sur les possibilités ou pas de trouver une solution médicale à leur état.
Ils appellent un chat, un chat, connaissent le nom savant de leur mal, et prononcent sans ciller des mots qui nous effraient, tumeur maligne, greffe d’un rein, cancer de la moelle osseuse présent dans chaque os du corps, dialyse…
Ils parlent du danger qui les menace et les empêchera peut-être d’atteindre l’âge adulte mais mesurent-ils complètement le sens des mots.
« La maladie n’empêche pas d’être heureux » lâche Tugdual, huit ans.
Et Imad, du haut de ses six ans, de dire « Quand je serai mort, je ne serai plus malade. »
La maladie de Charles, une épidermolyse bulleuse, rend sa peau aussi fragile que les « ailes d »un papillon ». Elle nécessite que son corps entier soit recouvert de pansements gras qui font comme une carapace douloureuse et pourtant, on le retrouve joyeux et espiègle dans les moments de répit.
La neuroblastome dont souffre Camille ne lui laisse aucun répit depuis qu’il est tout petit et pourtant, il sait rebondir à chaque fois que c’est possible, s’adapter aux contraintes de son mal et continuer à sourire à la vie.
Rien dans l’apparence ne laisserait supposer qu’Ambre souffre d’une maladie cardiaque sévère qui menace son avenir.
« Je ne devrais pas faire de sport mais j’en fais quand même parce que j’aime la vie » dit avec le sourire et une pointe d’espièglerie la fillette de 9 ans qui fait du théâtre et ne quitte jamais son sac à dos qui a comme motif, la fée Clochette…
Anne Dauphine Julliand a été confrontée à la maladie de sa propre fille qui, du haut de ses deux ans, l’a invitée à vivre l’instant présent, à apprécier chaque moment de l’existence et lui a appris qu’une belle vie ne se mesure pas au nombre d’années.
Mise en contact, dans le cadre de son militantisme, avec de nombreuses familles touchées par la maladie d’un enfant, elle a pu mesurer la force de l’insouciance des enfants et comprendre à quel point leur vision de la vie change positivement de la nôtre.
C’est ce dont elle fait la démonstration dans «Et les mistrals gagnants » où une caméra fluide suit les enfants, les accompagne, saisit les moments joyeux et les coups de blues peu fréquents, parfois foudroyants, imprévisibles mais toujours éphémères.
Les moments de vie sont intenses, les sourires sont revigorants et la réflexion de ces enfants sur leur état sont un mélange troublant d’inconscience et de grande lucidité.
Anna-Dauphine Julliand réussit, sur un sujet cinématographique périlleux, un film de toute beauté, pathétique et résolument optimiste qui remet beaucoup de choses de la vie, de notre rapport à la maladie, à leur bonne place..
Une belle part est donnée aux parents, admirables par leur comportement constant et dont la présence à la fois aimante et exigeante représente un élément important dans la stabilité du quotidien de leurs enfants.
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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