Dans l’Algérie d’aujourd’hui trois histoires qui réunissent trois générations.
Mourad est promoteur immobilier. Il est divorcé et a l’impression que, tout à coup, tout dans sa vie, lui échappe.
Aïcha une jeune fille est tiraillée entre son attirance pour Djallil et un autre destin qui s’offre à elle.
Dahman, un neurologue est soudain rattrapé par son passé à la veille de son mariage.
Dans la confusion de ces existences ponctuellement bousculées qui mettent chacun des protagonistes face à des choix décisifs, passé et présent se télescopent pour dresser le portrait de l’Algérie contemporaine.
Les personnages de «En attendant les hirondelles» (beau titre à la fois poétique et pathétiquement ironique pour un pays condamné à attendre) se trouvent face à un choix, confrontés soit à leur passé soit à un présent peu prometteur.
L’Algérie sort à peine d’une décennie sanglante. La menace du pire passée, les algériens espèrent de nouveaux modes de vie et de pensées ; mais surtout, sortis de cet épisode tragique, ils vivent sans se soucier de l’avenir.
Le pays vit une sorte de convalescence heureuse comme un malade qui serait passé très près de la mort. Mais l’illusion de cette vie meilleure sera de courte durée.
Les trois actions du film se passent de nos jours dans différents lieux du pays et vont se déployer sur une durée d’une seule semaine. Les hommes et les femmes qui y évoluent sont aux prises avec les difficultés de la vie, le quotidien et leurs histoires sont en prise avec les problèmes qui, pour être ordinaires, n’en sont pas moins essentiels.
Le malaise qui les hante, les hésitations qu’ils connaissent sont à la fois intemporels et de très près liés à la situation d’un pays en attente.
Karim Moussaoui a choisi de découper son film selon trois histoires afin de traverser le pays dans toute sa diversité. Diversité de milieux sociaux, du couple de bourgeois (Mourad) à la famille modeste (Aïcha), de la femme émancipée (Rasha et Lila) à la femme traditionnelle, l’homme aisé et son vécu au jeune idéaliste (Djallil) ou celui dont l’obsession est de gravir les échelons sociaux (Dahman).
Cette multiplicité des personnages avec en marge des récits principaux, des digressions qui abordent d’autres situations encore, permettaient d’embrasser les questions majeures qui interrogent sur le pays.
Le découpage en trois récits permet d’aller du nord au sud du pays, de la banlieue et du centre de la ville d’Alger aux paysages semi-arides des Aurès en empruntant le complexe routier composé de récentes constructions autoroutières.
Mais aussi d’accéder à différents décors depuis un intérieur bourgeois, un appartement modeste, un hôpital, un hôtel ordinaire, une boîte de nuit ou une baraque dans un bidonville.
Le regard que porte le cinéaste sur son pays est un regard objectif. Il n’enlaidit ni n’embellit les lieux et son appréciation qui est partie prenante, reste une observation dynamique, agissante et parfois poétique mais jamais définitivement tranchée.
Un film utile. Un regard sans concession sur l’état des choses, de quelqu’un qui a beaucoup d’affection pour son pays…«malgré tout»…
Francis Dubois
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