Manuel Lopez-Vidal est un homme politique en pleine ascension. Il était jusque là surtout influent dans sa région mais il s’apprête à prendre la direction nationale de son parti.
C’est à ce stade de sa carrière qu’on découvre qu’il est impliqué dans une affaire de corruption concernant également un de ses proches. Il sombre dans une spirale infernale au fur et à mesure qu’il se démène pour se tirer de ce mauvais pas.
La corruption politique en Espagne, l’impunité dont bénéficient certains leaders depuis une décennie et la multiplication des affaires révélées ont convaincu Rodrigo Sorogoyen et sa co-scénariste de l’opportunité, sinon la nécessité, de réaliser un film sur le sujet. L’idée était renforcée par le fait que jusqu’ici, aucun film n’avait traité de façon frontale la corruption des politiques en Espagne.
« El Reino » est traité à la façon d’un thriller même si l’évolution des événements conduisant à la spirale connaît dans la première partie du récit le rythme d’un combat surtout verbal.
Le défi de cette réalisation était de faire se dérouler cette histoire d’accusation et de défense aveugle du point de vue du politicien corrompu alors que dans un récit classique, il serait revenu à un regard témoin, à la partie rivale ou ennemie.
En optant pour ce parti pris narratif, il amène le spectateur à accompagner le politicien dans ses péripéties en connaissance de cause de ce dont il s’est rendu coupable et qui l’a conduit sans vergogne et en toute impunité, à spolier le citoyen.
Bien que pris au piège des conséquences d’une faute qui ne fait aucun doute, cet homme va s’opposer à tout et à tous et à nier jusqu’au total épuisement de ses arguments mensongers de défense.
Le parti pris du choix du point de vue de Manuel-Lopez Vidal impose que la camera soit presque toujours collée au personnage et si le film compte un certain nombre de séquences filmées de loin, c’est pour donner l’impression au spectateur qu’il peut espionner les faits et les gestes du politicien véreux.
« El Reino » se présente en deux parties distinctes.
Une première, bavarde et survoltée censée définir la meilleure stratégie à adopter, avec des dialogues fournis et une seconde partie beaucoup plus cinématographique où la situation va contraindre l’homme mis au pied du mur à agir plutôt qu’à parler.
Le cas de Manuel-Lopez Vidal n’est inspiré d’aucun exemple particulier d’homme politique corrompu. Il ne renvoie à aucun nom connu de la même façon que le parti auquel il appartient dans le film n’est jamais cité et reste voué à la fiction. Et pour mieux brouiller les pistes, le parti politique de « El Reino » est doté des caractéristiques des deux grands partis nationaux.
« El Reino » tout en traitant le sujet de la corruption à cœur, se voit comme un thriller, comme un film au suspens haletant, mettant d’une certaine façon, au même rang dans leurs agissements, les hommes politiques et les mafieux.
Passionnant.
Francis Dubois
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