Pourquoi les uns écrivent et pourquoi d’autres éditent leurs ouvrages ?
Qu’est-ce qui incite les uns à livrer le plus intime d’eux-mêmes à d’autres qui vont s’en emparer au prétexte de les faire connaître ?
Qu’est-ce que ça veut dire, éditer des livres, leur donner vie ou les refuser et enterrer à vie un travail de plusieurs mois ou années ?
Comment et pour quelles raisons devient-on éditeur ? Parce qu’on est un marchand, un philanthrope ou un pervers ?
Paul Otchakovsky-Laurens (Directeur de la maison d’édition POL) avait réalisé, il y a dix ans, un film par nécessité personnelle et comme un défi : « Sablé-sur-Sarthe, Sarthe.»
Il est resté un cinéaste silencieux ou en stand-by jusqu’au jour où la question a commencé à le tarauder, de connaître les raisons profondes pour lesquelles il faisait ce métier d’éditeur.
Or, pour fouiller plus à fond la question, un seul moyen s’imposait, celui de recourir au cinéma.
Paul Otchakovsky-Laurens n’est pas un écrivain mais à force de lire, de côtoyer, d’entendre les écrivains, il a fini par se forger une idée de ce que c’est qu’écrire.
Et la perception de ce qu’est un écrivain s’est affinée avec l’écriture du scénario et avec les rencontres que le film a nécessitées.
La composition, la recherche de la construction, du rythme, les ruptures, les syncopes au cours du montage ont aidé également Paul Otchakovsky à trouver les réponses à ses questionnements.
Si une des réponses était qu’éditer des livres tient plus de la production que de la réalisation, il a décelé de nombreuses preuves de ce constat ; même si, éditer des livres peut s’apparenter en plus hasardeux à la réalisation d’un film.
Ce documentaire singulier qui pourrait apparaître comme une démarche d’éclaircissement personnel offre une certaine hybridité avec des ruptures de ton et des moments plastiquement et narrativement très différents. Cette hybridité formelle cinématographique rejoint le catalogue de POL qui regroupe tous les genres littéraires, les registres et les formats possibles.
Et c’est ainsi que le film regroupe autant de témoignages sur l’édition que de moments de fiction (un récit suit deux écrivains dans leurs démarches auprès de maisons d’édition jusqu’à l’acceptation de son manuscrit pour l’un et le refus pour l’autre) et deux séquences que Paul Otchakovsky-Laurens appelle les scènes de tripot-banque et du tribunal, qui relèvent de la fiction en intérieur-reconstitué.
Les réalisateur-éditeur apparaît très peu dans son film et à chaque fois de façon muette d’où (ayant constaté ses mauvaises dispositions d’acteur) le recours à la voix-off qui devient la respiration du film.
«Editeur» s’achève sur un poème d’Antoine Vitez que POL a publié pour la première fois au début des années 80. Un texte émouvant et qui a représenté pour le cinéaste, depuis ces années-là, un véritable viatique.
Francis Dubois
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