Diamond Island est une île sur les rives de Phnom Penh ; un lieu dont les promoteurs immobiliers ont fait le symbole du Cambodge du futur, une sorte de paradis ultra-moderne qu’ont investi les plus riches.
Les vastes chantiers de construction d’immeubles et de structures commerciales qui emploient une main d’œuvre nombreuse attirent de nombreux jeunes qui quittent leurs villages pour y travailler.
Bora a dix-huit ans. Il est de ceux-là.
Il se lie d’amitié avec d’autres ouvriers de son âge jusqu’au moment où il retrouve par hasard son frère aîné, le charismatique Solei qui avait disparu depuis des années.
Solei ouvre à son jeune frère les portes d’un monde fascinant pour un villageois, celui d’une jeunesse argentée avec ses filles, son clinquant et ses illusions.
Dans son film précédent « Le sommeil d’or » qui était un documentaire sur la disparition des salles obscures et du patrimoine cinématographique au Cambodge, Davy Chou allait sur les traces du cinéma cambodgien disparu où les jeunes tenaient une place périphérique mais cruciale, entre amnésie et réveil.
Après « Le sommeil d’or « , le cinéaste envisage de réaliser une fiction avec la jeunesse du pays comme pivot.
Après quelques tâtonnements, il opte pour l’écriture d’un récit très simple et très classique suivant le parcours d’un personnage central en même temps qu’il tisse autour de lui un réseau de personnages très vivants, très actifs dont on suit également, même si c’est de plus loin, les évolutions pour composer, dans son déroulement, un monde en constant mouvement.
Dans « Diamond Island » le fil narratif linéaire est parasité par des formes cinématographiques moins classiques comme l’insertion de vidéos promotionnelles ou Youtube, des plans au drone, des effets de nuit américaine et des effets spéciaux de nature « magique ».
Cette hybridation du récit qui parfois se retrouve au sein d’un même plan est le reflet d’un mélange propre à Phnom Penh et à Diamond Island, la capitale et son île, où se côtoient les chantiers en cours, la pauvreté, le désœuvrement, le luxe de l’architecture et les signes de richesse.
Cette variété du décor souvent filmé en plans larges joue sur les distances et sur les rapprochements. Ainsi Bora qui essaie de réduire la distance entre son frère et lui et qui, parallèlement s’éloigne le groupe de ses amis ouvriers et de Dy sur lequel il avait promis de veiller au début du récit, au moment où ensemble, ils ont quitté leur village.
L’île « Diamond Island » apparaît dans le film de Davy Chou comme un lieu artificiel où règnent une espèce de faux semblant, de cliquant et de luxe dans un pays qui reste toujours parmi les plus pauvres au monde. Elle se situe à quelques encablures de Phnom Penh qui porte les stigmates d’une époque de l’Histoire encore douloureuse du Cambodge.
Ce contraste pourrait être une sorte de cauchemar caché dans un rêve. Il accompagne la lente et inexorable avancée du récit vers la tragédie. Il reste une part d’inquiétude dans une profusion d’ images très colorées.
Une approche à la fois intimiste et globale d’un pays qui brûle les étapes vers une reconnaissance de modernité et qui voudrait oublier en route que les blessures du passé sont loin de s’être effacées…
Francis Dubois
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