Qu’on ne s’y trompe pas, le nouveau film de Dominik Moll n’est pas un documentaire sur la quatrième planète du système solaire. C’est, étalée sur quelques jours, l’histoire du petit monde qui gravite autour de Philippe Mars, un ingénieur informaticien divorcé qui essaie tant bien que mal de mener une vie tranquille entre ses enfants dont il a le plus souvent la charge, une sœur artiste excentrique, une ex-femme journaliste politique à la télévision et bientôt l’intervention d’un personnage déraisonnable qui va entrer chez lui et bouleverser sa vie.
S’il n’est pas évident de raisonner un fils peu scolaire qui vient de décider d’être végétarien, une fille scolairement performante guidée par le souci de la réussite, de faire face à la situation quand son ex-femme surbookée déserte ses périodes de garde d’enfants, que sa sœur artiste-peintre
choisit pour modèles de ses œuvres peintes impudiques, le couple de ses parents décédés…
De tout cela, Philippe Mars, en fait son affaire. Mais un beau jour, un de ses collègues échappé de l’hôpital psychiatrique où il avait été admis frappe à sa porte en pleine nuit et lui demande asile.
Dominik Moll montre ici la même fascination pour les personnages perturbateurs que dans ses films précédents..
Jérôme, qui se place en contraste radical avec le tempérament de Philippe, est de ceux-là, comme l’était Harry, dans « Harry un ami qui vous veut du bien « .
La différence entre les deux personnages c’est que la folie de Jérôme est moins menaçante que celle d’ Harry, avec quelque chose de plus ludique et qu’elle produit non plus un drame décalé mais une comédie, très souvent irrésistible.
L’aspect comique de « Des nouvelles de la planète Mars » repose sur un principe d’accumulation. Accumulation des coups physiques et moraux subis par Philippe Mars, accumulation de situations absurdes, accumulation d’intrus qui occupent son appartement et jusqu’à sa propre chambre et d’animaux car alors qu’il n’avait pour animal de compagnie que son chat, il voit apparaître chez lui un chien que sa fantasque de sœur lui abandonne ou des grenouilles qui étaient destinées à la dissection, que son fils a subtilisées au laboratoire de sciences de son collège.
Chacun des éléments nouveaux s’ajoutant aux précédents, relance la mécanique comique.
Mais, alors qu’il disposait de tous les ingrédients pour aller dans le sens de la comédie débridée, Dominik Moll opte pour la demi-teinte et si la drôlerie est là, efficace, et si on rit de bon cœur, les situations sont retenues au bord du dépassement, grâce au face à face de ses deux personnages à qui il a conservé, dans le contraste, une dimension humaine : Philippe Mars cantonné dans son côté raisonnable et réfléchi et Jérôme à cheval sur sa folie et sa candeur, tout deux ayant comme point commun un côté lunaire.
« Des nouvelles de la planètes Mars » s’offre des incursions du côté du fantastique avec les apparitions aussi joyeuses qu’apaisantes des parents de Philippe qui ont rétréci à chaque fois (truculents Catherine Samie et Michel Aumont), des images récurrentes du personnage en apesanteur dans l’espace ou des moments de communion très étrange entre Philippe et son ex-femme à travers l’écran de la télévision.
C’est inventif, drôle jusque dans la mélancolie, à la fois poétique et trivial, bigrement efficace en dépit d’un contrôle des effets.
Une comédie réussie, digne de ce nom.
Francis Dubois
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