Le visage de docteur Jabr, psychiatre palestinienne est le reflet de la sagesse de cette femme qui, de par son métier, est doublement confrontée à la situation de son pays.

Elle parcourt les routes au volant de sa voiture, d’une intervention publique à l’autre, passe par de multiples postes de contrôle qu’elle affronte avec la patience que sa nature paisible lui permet.

Son travail reflète les effets dévastateurs des années d’occupation brutales et humiliantes subies par le peuple palestinien.

« Please, see this film» écrit Ken Loach à propos de « Derrière les fronts» qui met en lumière les résistances et les résiliences face aux blessures invisibles de la guerre et de l’occupation.

Cinéma : Derrière les fronts
Cinéma : Derrière les fronts

C’est au cours des recherches entreprises pendant la préparation de son précédent film «Moudjahidate » qui traitait des engagements des femmes algériennes dans la lutte pour l’indépendance de leur pays qu’Alexandra Dols faisait la découverte de l’œuvre de Frantz Fanon.

L’analyse politique de Samah Jabr à propos du peuple palestinien lui a paru très voisine de celle du psychanalyste anti colonialiste qui disait que la libération nationale ne peut se faire sans la décolonisation des esprits.

En 2007, Samah Jabr avait publié sur des sites une « Chronique de Palestine» qui a permis à la cinéaste de visualiser concrètement la situation.

Les chroniques du quotidien de cette femme psychiatre sous occupation, dans lesquelles elle délivre avec beaucoup d’acuité un diagnostic psycho politique ont permis de donner à Alexandra Dols la ligne générale de son film.

Ses écrits sont à la fois inscrits dans le quotidien, celui de ses patients et celui de sa propre faille et de sa grande rigueur journalistique.

N’ayant obtenu aucune autorisation de tournage, celui-ci s’est déroulé dans un état de stress et de peur. L’appréhension majeure étant de voir, au moment du passage à la frontière, les rushes confisqués.

Car le pays qui se veut être la «seule démocratie» du Moyen-Orient a quelquefois, vis à vis de la production artistique et de la contestation, des attitudes d’hostilité et de fermeture.

Le film d’Alexandra Dols donne une dimension politique à ces formes de résistance et de réparation psychologique ; car la guerre psychologique et ses résistances pour être invisibles, ne doivent pas pour autant rester impensées.

Le film dénonce tout ce qui, aux passages des check-points, à l’école, en prison, dans les médias est fait pour attaquer et détruire psychologiquement, si ce n’est physiquement et symboliquement l’identité palestinienne.

Dix ans après «Moudjahidate », mais dans un autre contexte, un regard est porté sur l’engagement des femmes dans un conflit dur.

Mais ici, le film réunit, pour s’opposer à certaines représentations médiatiques qui distribuent des images du «bon» et du «mauvais» palestinien, des victimes parmi lesquelles des femmes et des enfants, ceux qu’on criminalise ou qu’on suspecte, un front d’individus de confession, de lieux de vie, d’orientation sexuelle et de culture politique différents mais engagés dans un même combat contre l’occupant.

Et pour une fois, une femme musulmane portant le hijab apparaît à l’écran, non pour parler du voile, mais de son champ d’activité professionnelle…

Francis Dubois


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