Hélène a trente ans et l’allure d’une très jeune fille. Elle est jolie, gracieuse mais en réalité, Hélène ne peut pas parler, pas tenir un stylo et elle n’a jamais appris ni à lire ni à écrire.

Ses attitudes, ses mimiques, son regard qui semble ne jamais pouvoir se fixer, tout laisse à penser qu’elle est atteinte d’un handicap mental important.

Pourtant, quand elle a atteint sa vingtième année, sa mère qui l’a toujours suivie de très près, a découvert qu’elle pouvait communiquer en alignant des lettres sur une feuille de papier.

Comment cette jeune fille totalement analphabète peut-elle repérer des lettres et avec ces lettres qu’elle aligne, composer des mots et de mot en mot, des phrases et des textes qui ont non seulement un sens, mais qui sont reconnus comme étant d’une haute valeur littéraire et philosophique.

Des textes qui feront d’elle une artiste, une poétesse au talent fulgurant, une écrivaine capable de donner sa vision très personnelle du monde.

Mais comment celle qui n’a jamais appris à lire, à écrire, peut-elle manipuler un alphabet et rédiger des textes dans une orthographe parfaite ?

Cinéma : Dernières nouvelles du Cosmos
Cinéma : Dernières nouvelles du Cosmos

Il n’y a pas d’explication rationnelle à ce phénomène mystérieux sinon celle de dire qu’Hélène est un médium, qu’elle dispose d’une capacité à révéler des ressources intellectuelles qui existent au plus profond d’elle-même et se révèlent au moment opportun.

Hélène se définit elle-même comme iconoclaste en possession d’un don médiumnique. Elle se voit comme quelqu’un qui réalise un voyage intersidéral, qui établit un va-et-vient avec le Cosmos.

Ses rapports à la nature, à l’espace et au temps sont toujours d’ordre symbolique métaphorique et on devine chez elle plus qu’on ne le constate, un tempérament pétillant, téméraire et on peut voir dans le portrait que Julie Bertuccelli dresse d’elle, une leçon de vie, une quête de liberté.

On la voit se mesurer à des journalistes ou à Laurent Dérobert un « mathématicien existentiel », assister avec beaucoup de concentration cette fois à une représentation théâtrale de l’adaptation d’un de ses ouvrages au Festival d’Avignon.

Dans ces circonstances, on est témoin de moments intenses qui permettent d’affirmer que l’autisme n’est pas synonyme d’enfermement mais qu’une connexion est possible et profonde avec le mystère du monde.

Cependant, il est à chaque instant difficile de se rendre à l’évidence et d’établir une relation entre les apparences, une jeune fille qui présente toutes les caractéristiques de la difficulté mentale et les moments, où avec des gestes maladroits, imprécis, elle aligne des lettres pour composer des phrases de haute tenue philosophique et exprimer une intense pensée du monde.

Julie Bertuccelli, entre les interviews et les entretiens (de Véronique sa mère notamment, sorte de sentinelle veillant sur sa fille) et un accompagnement permanent du personnage au cours duquel elle saisit les regards, les moments doux mais également ceux de crise, dresse un étrange et attachant portrait

Tous ces moments de vie qui n’appartiennent pas à l’efficacité de la pensée mais qui livrent ça et là, au hasard d’un regard, d’un sourire, d’un geste, l’intériorité d’Hélène servent à relancer une autre fois la curiosité et la sensibilité du spectateur.

Un documentaire troublant qui interroge plus qu’il ne renseigne.

Une réussite de plus pour la documentariste virtuose qu’est Julie Bertuccelli.

Francis Dubois


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