En 1983, Jude Ratman a cinq ans et il ne comprend pas pourquoi son père lui interdit de parler Tamoul. Il se rappelle avoir fui les massacres perpétrés contre les Tamouls par la gouvernement pro-cinghalais de Sri-Lanka, à bord d’un train rouge.

Aujourd’hui réalisateur, Jude parcourt à nouveau son pays du Sud au Nord dans des régions où défilent les traces de vingt-six ans d’une guerre qui a vu basculer le combat pour la liberté de la minorité tamoule dans un terrorisme aveugle et autodestructeur.

A partir des souvenirs de compatriotes ayant appartenu pour nombre d’entre eux à des groupes militants, dont les Tigres Tamouls, il propose de surmonter la colère et tente d’ouvrir la voie à une possible réconciliation.

Cinéma : Démons du Paradis
Cinéma : Démons du Paradis

«Je viens d’un pays dont l’histoire est violente.» dit Jude Ratman.

A cinq ans, en juillet 1983, il échappe aux massacres du «Black July», le mois des pogroms anti-tamouls organisés par des hommes de main à la solde du gouvernement pro-cinghalais au cours duquel trois mille civils tamouls ont trouvé la mort. Pour échapper au massacre, sa famille a fui Colombo pour le Nord du pays à la recherche d’un refuge.

Le Sri-lanka est un pays dont les Portugais, les Hollandais et les Britanniques ont été successivement les colonisateurs et à cet héritage colonial a succédé une guerre civile.

Jude Ratman, pendant un moment, a été tenté par la lutte armée mais très vite, les méthodes extrémistes du LTTE, organisation des Tigres Tamouls, l’en ont dissuadé.

Et il a dû apprendre à vivre entre deux menaces, celle du gouvernement qui l’avait jeté en prison au seul motif qu’il était tamoul et celle des communautés tamoules.

Pendant des années, il a dû s’habituer à cette sensation d’être un traître face à l’un et l’autre des communautés.

Jude Ratman était salarié d’une ONG avant qu’il ne se lance dans les études de cinéma à l’École de Gestion des Médias au Ski-Lanka.

Sa mission dans l’ONG a très vite consisté à prêcher une réconciliation illusoire alors que, pris par la guerre civile, le pays était violemment divisé et appauvri.

C’est alors que le cinéma lui apparaît comme une solution pour toucher les émotions aussi bien que l’esprit de ses compatriotes.

C’est cette certitude qui lui donnera l’énergie pour s’atteler à un projet qui non seulement va lui prendre dix ans mais aussi l’exposer à de graves risques.

Il va persister dans son projet et rencontrer de nombreux encouragements notament de la part d’une équipe française et outre celui de techniciens, celui de Ritty Panh son inspirateur ou de Raoul Peck président de la FEMIS ou encore de Thierry Frémaux qui l’invitera en sélection à Cannes.

Jude Ratman n’a pas souhaité faire un documentaire qui serait un répertoire des événements historiques et si les souffrances infligées à la communauté tamoules sont au centre du projet, une des questions fondamentales de son film est que dans une guerre, personne n’est totalement innocent.

Aujourd’hui malgré les pressions internationales, le gouvernement ski-lankais reste un gouvernement autoritaire. Seule la terreur des Tigres Tamouls a été battue.

Mais jamais les violences de l’armée n’ont été punies, jamais aucun émeutier n’a été condamné, jamais aucun tamoul n’a été indemnisé pour les pertes subies.

Une page enfouie de l’histoire que le cinéma permet de rouvrir.

Francis Dubois


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