Une famille palestinienne a volé le lion du zoo de Gaza pour marquer sa résistance au Hamas. Mais l’organisation est déterminée à récupérer le fauve et à en découdre avec les auteurs du vol.
Le palestinien chargé de surveiller le lion tenu en laisse, se tient face à un salon de coiffure où treize femmes sont tenues enfermées.
L’une est là pour se préparer à son mariage, une autre parce qu’elle a rencontré un homme qu’elle veut séduire, une autre pour changer de coiffure, une autre, sur le point d’accoucher, pour raccourcir ses cheveux. Les autres protagonistes sont les employées du salon de coiffure ou des accompagnatrices. Wedad, l’assistante de la coiffeuse, file un amour tumultueux avec le gardien du lion en faction…
« Dégradé » est inspiré d »un fait réel survenu en 2007.
Une famille palestinienne avait effectivement volé le lion du zoo de Gaza pour prouver son pouvoir et son insoumission. Le Hamas, sous prétexte de récupérer le fauve, avait décidé de neutraliser la famille, entraînant de violents heurts dans tout le périmètre, qui allaient finir dans le sang.
Mais le film, inspiré de ce fait divers, est surtout l’occasion de rendre compte de la vie quotidienne à Gaza et des situations absurdes qui peuvent découler du conflit et des difficultés auxquelles sont soumis, chaque jour, ses habitants.
Le film de Tarzan et Arab Nasser, à travers une série de portraits de femmes d’origines sociales différentes, aux personnalités contrastées, rend hommage à tous ceux qui luttent pour un semblant de vie normale dans un quotidien chaotique.
Il pose la question de savoir comment une population est supposée pouvoir se construire un futur quand elle vit sur un territoire piégé, entre une occupation militaire menaçante et des divisions internes meurtrières.
« Dégradé « , entre une religieuse, une divorcée amère, une droguée, une future mariée, une jeune femme qui s’apprête à être mère, une séductrice tardive, parle des femmes de notre temps dans ce qu’elles ont en commun comme victimes de la guerre, mais aussi, hors contexte guerrier, dans leurs différences, leurs spécificités, leur féminité.
« Dégradé » est un huis-clos où treize femmes évoluent en vase clos, dans un espace exigu et dans une indifférence tendue, les unes par rapport aux autres.
Les difficultés de la vie, le danger latent, les tirs auxquels les habitants se sont habitués sont-ils à l’origine du peu de solidarité qu’on constate dans le film ? Les douleurs de la femme enceinte et peut-être un accouchement imminent dans des conditions précaires, ne concernent que ses proches comme le mariage compromis ou les dérapages inquiétants de la femme droguée.
Cette indifférence existe dans la première partie du film où les échanges entre les protagonistes reposent sur des sujets anodins, pendant que le danger palpable, intégré au quotidien, est bien là même s’il est encore « silencieux ».
Elle est reconduite dans les séquences où, de l’autre côté du rideau de la boutique tiré, les tirs se font de plus en plus fournis et menaçants.
Il faut en arriver à l’agonie d’un homme réfugié dans la boutique, à la présence de la mort, pour que le déclic d’un élan commun se produise.
Le film des frères Nasser est là pour montrer qu’en dépit du danger, de la guerre, d’une mort possible à chaque instant, les gens continuent à vivre et que la vie est plus forte que la mort.
Les gestes les plus anodins, alors que les tirs font rage, deviennent des actes de résistance : se maquiller pour séduire, revêtir une robe de mariée, engager un jeu et distribuer des ministères à chacune des femmes présentes, hésiter entre une teinture ou des mèches.
La caméra se partage les personnages. Elle saisit chez chacune tour à tour l’inquiétude, la maîtrise de soi, la résignation, l’insolence, la dérision…
Francis Dubois
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