Chaque mois, à Fleury-Mérogis, des femmes pour la majorité et quelques rares hommes, viennent rendre visite à un proche : un fils, un frère, un père, un compagnon.
Pour cela, il leur faut passer par différents espaces et faire face à un personnel tellement rompu à ces épisodes qu’ils sont devenus totalement insensibles à la souffrance, à l’humiliation et au désarroi des visiteurs.
Ce jour-là du plein mois d’août, la chaleur suffocante rend le temps d’attente insupportable, propice à des agacements qui peuvent à tout instant tourner à l’affrontement..
A mesure que les visiteuses progressent de sas en sas, des liens se créent et se défont et la tension monte jusqu’à laisser exploser les rancœurs.
Rachida Brakni s’est inspirée de la canicule de l’été 2003 pour donner le cadre narratif à son récit au cours duquel huit femmes, une petite fille et deux hommes vont vivre dans une atmosphère doublement étouffante, par étapes successives, la longue attente qui va déboucher sur une entrevue avec le proche incarcéré.
On ne verra jamais les personnages des prisonniers. « De sas en sas », qui s’arrête au moment où la porte du parloir sera sur le point de s’ouvrir, va se contenter de suivre pendant une heure vingt des femmes aux personnalités contrastes, mutiques pour certaines, exubérantes pour d’autres, pathétiques ou joyeuses. Chacune, en fonction de son histoire, aura sa propre façon de faire face à l’épreuve de l’attente.
Rachida Brakni procède par une succession de courtes séquences qui donnent par touches légères, un éclairage plus précis, à chaque fois, sur chaque personnage. Elle livre peu d’indications sur chacune d’elles et seuls, les comportements, la façon de s’exprimer ou les vêtements situeront les protagonistes dans une catégorie sociale.
Et sa façon de procéder fait que son film échappe à la fois à la fiction (il n’y a pas de progression dramatique) au documentaire (même si on découvre la parcours du combattant des visiteuses) au cinéma social (on ne sait rien de la vie de chacune des huit femmes) et au film choral (la narration en temps réel fait l’économie de l’histoire de chacune)
Pas plus qu’on ne saura pour quelle raison les visités ont été incarcérés.
« De sas en sas » qui est un instantané sur le microcosme ponctuel constitué par quelques femmes amenées à cohabiter en temps et dans des espaces réduits se contente de capter des comportements exacerbés par l’enfermement, la tension de l’attente avec ce qui peut survenir entre les protagonistes dans un tel contexte, de mouvements divers depuis les élans de tendresse, de solidarité jusqu’à la confrontation, le rejet, la haine.
Si certains personnages sont hauts en couleur, ils échappent toujours à la caricature de la même façon que le récit, même dans les moments pathétiques, échappe à l’attendrissement et à la compassion.
Le film de Rachida Brakni, tout en délicatesse, est une réussite.
Francis Dubois
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