Pour Hassen Ferhani, l’idée de filmer les abattoirs d’Alger appartient à un vaste projet entamé depuis un certain temps, qui est d’explorer certains lieux insolites ou non de la capitale et d’aller à la rencontre de leurs habitants.

Intéressé par l’atmosphère, la lumière et l’ambiance sonore des abattoirs et guidé par la curiosité, il a eu envie de cerner le potentiel humain et cinématographique de l’endroit.

Accompagné d’un seul preneur de son il a, en passant les portes du bâtiment, pénétré le milieu ouvrier en Algérie, aujourd’hui.

Cinéma : Dans ma tête, un rond point
Cinéma : Dans ma tête, un rond point

Deux mois de tournage lui ont permis de saisir les ambiances, les mentalités, le rapport au travail, les humeurs et les cadences, de sélectionner les personnages récurrents de son film et de creuser des thèmes comme ceux de la musique, du sport, de l’amour ou de la poésie en des termes simples avec une spontanéité aussi drôle que poignante. Mais également d’aborder de façon frontale et parfois en arrière-plan, des sujets plus graves, plus douloureux, plus politiques.

De cette façon, «  Dans ma tête, un rond-point  » devient au final, une sorte d’instantané sur l’état du pays. L’anecdote devient témoignage par la magie d’une caméra habile et finement observatrice et finit par dresser un état des lieux de la condition ouvrière.

L’objectif du réalisateur était de calquer la progression de son film sur les fluctuations de ton de la musique Rai, de passer sans cesse du léger au sérieux et de prouver qu’on peut rencontrer la poésie, la musique, et parler d’amour dans un lieu de carnage et de mort.

Un filmage le plus souvent en plans fixes donne l’impression que la caméra, une fois postée, attend que quelque chose se passe, que surgisse du quotidien laborieux, le probable autant que l’inattendu.

« Dans ma tête, un rond-point  » n’est pas un reportage sur les abattoirs d’Alger (on y parle de tout, sauf de viande) mais une suite de moments saisis au vol, empruntés aux ouvriers, à l’air du temps afin que cet endroit à la fois banal et insolite, dans son simple fonctionnement quotidien, nous raconte la complexité économique et sociale du pays.

Youcef est un optimiste, un gourmand de la vie; un être jeune et joyeux, que quelquefois la réalité rattrape quand il parle de son travail, de sa condition d’ouvrier, des perspectives d’avenir limitées qui le contraindront à passer certainement toute sa vie dans les abattoirs.

Le film d’Hassen Ferhani parle du réel. Il saisit les moments d’insouciance, de réflexion profonde, d’analyse, par le simple regard d’une caméra observatrice et talentueuse.

Il donne la parole aux jeunes et à d’autres, à Youcef et Houcine, vingt ans, qui sont l’Algérie de demain.

Si «  Dans ma tête un rond point  » est un témoignage, c’est aussi un très bel objet cinématographique, original et pleinement abouti dans son choix artistique original.

Francis Dubois


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