« Cunningham », le film d’Alla Kovgan, suit la carrière du chorégraphe Merce Cunningham depuis ses premières années comme danseur dans le New-York d’après guerre jusqu’à la révélation et la reconnaissance d’un créateur visionnaire.
Tourné en 3D avec les derniers danseurs de la Compagnie, le film fait un retour sur quatorze ballets crées entre 1942 et 1972 sélectionnés parmi une totalité de cent quatre vingt créations sur une période de soixante dix ans.
A travers des images d’archives, « Cunningham » est un hommage, à celui qui (avec quelques autres) a révolutionné la danse, ainsi qu’à ses collaborateurs qui sont restés proches et fidèles, le plasticien Robert Rauschenberg et le musicien John Cage dont il partagea la vie.
Il aura fallu sept années de travail et de recherches à Alla Kovgan pour mener à son terme ce projet ambitieux sur le chorégraphe américain. En 2011, elle a une révélation quand elle assiste à une représentation de la Merce Cunningham Company à New-York : la nécessité de réaliser un film en 3D s’impose tant les chorégraphies investissaient l’espace et la profondeur.
L’objectif d’Alla Kovgan n’était pas de réaliser un biopic et c’est la raison pour laquelle elle ne s’est intéressée qu’à une seule période de la vie de Merce Cunnigham en faisant le choix de le montrer dans la fleur de l’âge, au cours des années noires et dans l’inquiétude des années de survie financière et psychologique.
Il aurait été tentant de choisir la période suivante, quand Merce Cunningham, qui avait atteint quarante cinq ans, l’âge où logiquement un danseur abandonne la danse, allait au contraire continuer à danser et se produire sur la scène jusqu’à l’âge de quatre vingt ans.
Qui était l’homme Merce Cunningham derrière l’artiste ?
Le film d’Alla Kovgan répond -il à la question ? Lève-t-il le voile ? On pouvait penser à cause de ses méthodes de travail ou de ses déclarations parfois énigmatiques, souvent déroutantes, que c’était un créateur élitiste et un peu snob : « Je ne décris pas ma danse, disait-il, je la fais ».
Et s’il y a eu beaucoup de mythes autour du personnage souvent considéré comme un gourou alors qu’au contraire c’était un homme accessible et humain.
Le film fait la part belle aux deux collaborateurs qui l’ont suivi tout au long de sa carrière, le peintre Robert Raushenberg pour les décors inventifs et audacieux et John Cage, musicien qui fut le compagnon de Merce Cunningham. Celui-ci répondait quand on l’interrogeait sur la nature de leur relation : « Je fais la cuisine et Merce fait la vaisselle ! »
Accueilli par des jets de tomates lors de la présentation de ses premiers spectacles de danse à Paris, l’Europe a très vite compris la valeur du travail de Merce Conningham, ce qui ne fut pas le cas de l’Amérique des années 60.
Une approche sensible et sans concessions d’un danseur chorégraphe essentiel.
Francis Dubois
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