Depuis la terrasse de la villa du riche quartier de la Corniche où elle vit avec ses parents, la lycéenne Suzanne observe et photographie un groupe de jeunes gens qui, depuis les hauts rochers de la côte, défient les lois de la gravité.

Marco, Mehdi, Franck, Mélissa, Hamza, Mamaa, Julie : des filles et des garçons qui plongent, s’envolent, prennent tous les risques pour vivre plus fort.

Elle les approche mais comment procéder pour apprivoiser ces jeunes « rebelles », hostiles à tout ce que représente la jeune fille.

cinéma : corniche Kennedy
cinéma : corniche Kennedy

Depuis longtemps la cinéaste Dominique Cabrera («  L’autre côté de la mer  » en 1996 – «  Nadia et les hippopotames « , «  Le lait de la tendresse humaine  » en 2001- « La folle embellie  » 2004 «  Quand la ville mord » 2009…) voulait réaliser un film à Marseille, une ville dont elle aime le brassage social et ethnique.

Elle a aimé le regard que Maylis de Kerandal portait sur les « minots de la ville ». L’écriture à la fois documentaire mais également poétique et mythologique de son roman a séduit la cinéaste que ses origines « pieds-noirs » rendent sensible à la description de la jeunesse bigarrée et expansive.

C’est en sillonnant la Corniche au moment du repérage des lieux possibles du futur tournage qu’elle a repéré un petit groupe à l’endroit même où elle pensait que pourrait se tourner le film.

Elle les approche, ils sont réticents sinon hostiles, mais très vite Dominique Cabrera clarifie les raisons de sa présence et de son intérêt pour le groupe.

Au bout d’un moment, ils adhèrent totalement au projet au point de participer activement à l’élaboration du scénario et très vite, c’est à partir des personnalités des membres du groupe que vont se dégager les personnages des protagonistes, ceux de Mehdi et de Marco que deux membres du groupe allaient au final, interpréter.

Le film de Dominique Cabrera est un film de plein-air. Il a été essentiellement tourné sur la Corniche, laissant à une ou deux exceptions près, hors-champ, les différences de classes qui sont pourtant un des éléments important du film.

Les sauts depuis les rochers qui sont pour les jeunes gens socialement marginalisés des moments d’excellence sont au cœur du film.

Le récit et son dénouement s’organisent autour de ces instants et l’intrigue policière (l’un des protagonistes est impliqué dans un trafic de drogue) reste comme dans le roman d’une grande simplicité pour laisser le champ libre à tout ce que le film a de lumineux.

« Corniche Kennedy » est la peinture au plus juste d’une jeunesse que les circonstances sociales ont marginalisée voire sacrifiée et qui peut (dans le meilleur des cas) trouver une valorisation dans des exercices dangereux qui révèlent des qualités d’audace, de courage. Dominique Cabrera lève le voile sur ce que cachent de sensibilité, d’amour, de poésie, les postures de façade auxquelles ils ont recours pour exister.

C’est un film sensible, une histoire de rencontres. Celle d’une jeune fille bourgeoise avec un groupe de jeunes gens d’apparence peu fréquentables. Celle d’une cinéaste, à l’image de son personnage féminin, fascinée par des personnages dont elle a découvert la richesse humaine.

Francis Dubois


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