En arabe, « chouf » signifie « regarde » mais le mot peut également désigner celui qui observe ou surveille. C’est le nom des guetteurs des réseaux de drogue de Marseille.

Sofiane, vingt-quatre ans, a échappé à la vie du quartier, à la périphérie de Marseille vouée aux trafics de tous genres et notamment celui de la drogue.

Doué pour les études, il a intégré une prestigieuse école de commerce à Lyon et c’est au cours d’un séjour dans sa famille marseillaise que son frère, auquel il était très attaché et qui était devenu une sorte de « caïd » régnant sur le quartier, meurt sous les balles d’une bande rivale.

Sofiane, bien que totalement étranger au milieu des trafics de drogue va, avec une forte dose d’innocence et de candeur, trouver les moyens d’arriver à l’objectif qu’il s’est fixé : venger la mort de son frère

Il abandonne famille, études, son histoire d’amour mais deviendra-t-il pour autant, l’authentique malfrat qu’il faut être pour mener à bien son ambitieux projet ?

«  Chouf » est annoncé par Karim Dridi comme le dernier volet de sa trilogie marseillaise après «  Bye-bye  » en 1995 et «  Khamsa  » en 2008.

La préparation de «  khams a » lui avait permis de rencontrer des enfants gitans et des adolescents des quartiers Nord et le film avait été une expérience cinématographique si forte et enrichissante, que, sept ans plus tard, il revenait à Marseille pour y tourner «  Chouf ».

Une longue période d’observation lui a permis de voir sur le terrain comment fonctionnent les réseaux de drogue, du haut au bas de l’échelle.

Pour les besoins de l’écriture du scénario de son film, Karim Dridi s’est installé à Marseille pour mieux infiltrer le milieu de la drogue.

C’est donc en connaissance de cause, qu’à travers le récit de «  Chouf « , il lève le voile sur ce milieu dont on ne connait que la partie apparente de l’iceberg, révélée par un matraquage médiatique mais dont on ignore le véritable fonctionnement.

Le réalisateur révèle sans précautions l’existence d’une société parallèle qui vit en vase clos selon des règles rigoureuses, un sens aigu de l’honneur et de la justice, des codes impénétrables et un langage singulier auquel eux seuls ont vraiment accès.

L’approvisionnement en drogues, le stockage, la vente (avec un respect de la clientèle), l’élaboration des stratégies adaptées, les rapports avec les bandes rivales absorbent le temps et l’énergie de ces équipes qui parlent d’une seule voix.

Cinéma : Chouf
Cinéma : Chouf

Karim Dridi aime Marseille qu’il filme avec beaucoup de sensibilité et dont il fait ici un personnage à part entière, mais il aime de toute évidence beaucoup ses personnages qu’il rend à ce point attachants que le spectateur en dépit de leur marginalité, de la violence dont ils peuvent faire preuve, de leur cruauté parfois, de la façon dont ils bafouent les règles officielles, va éprouver pour eux de l’empathie.

Le personnage de Sofiane est magnifiquement construit et son évolution, depuis l’étudiant rangé jusqu’au malfrat qu’il devient, est totalement crédible.

Les comédiens non-professionnels ont été formés par Karim Dridi au cours d’ateliers de comédie, tous remarquables de justesse, forment un casting parfait.

Une œuvre forte qui porte un autre regard sur les « gens » de banlieues.

Francis Dubois


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu