Jacques Blanchot perd tout à la fois. Sa femme le quitte parce que sa présence provoque chez elle d’irrépressibles crises de démangeaisons. Du coup, il n’a plus où loger et comme une catastrophe n’arrive jamais seule, son garçonnet le voit s’en aller avec une totale indifférence et son employeur qui a un neveu à caser, lui signifie qu’il n’aura dorénavant plus besoin de ses services .
Samuel Benchetrit, homme à tout faire dans le domaine artistique, cumule les emplois d’écrivain, de cinéaste, de dramaturge…Ces différentes activités ne l’ont pas empêché d’être un jour la victime d’une dépression nerveuse si l’on en croit ses propres déclarations dans le dossier de presse qui accompagne la sortie de son film. De cet état qui l’aurait mis sur le flanc, il a su tirer profit et il en a résulté un livre dont le film «Chien» est l’adaptation.
«Chien» , le film, est donc le récit d’un homme dépressif qui fait le dos rond à toutes les humiliations que tous autour de lui, ses proches en tête, lui font subir.
Pourquoi pas. Mais le problème majeur auquel se heurte le film de Samuel Benchetrit qui se veut une comédie grinçante -menant- son -propos- jusqu’au bout, c’est que pour être quitté et trompé par sa femme, pour provoquer l’indifférence de son fils, être licencié par son patron, utilisé par un homme sans scrupules dont il devient l’esclave plus que l’assistant, il faudrait que le personnage de Jacques Blanchot existe.
Or, Jacques Blanchot en dehors du fait que sa dépression l’a privé de toute réaction à se défendre de toutes ces attaques et humiliations, n’a aucune existence, aucune chair et que Vincent Macaigne qui l’interprète lui donne le coup de grâce en adoptant un jeu dramatique qui ne fait que tourner autour d’une expression unique de «chien battu».
On pourra dire que Benchetrit va jusqu’au bout de son propos et de son personnage, qu’il a le courage de laisser aller son Jacques Blanchot à quatre pattes pour récupérer la balle que le dresseur de chien a lancé au loin, de le faire s’enfermer avec un chien condamné dans la cage d’un chenil ou de lui laisser comme seule couche, un tapis au sol, voisin du lit de son maître.
Mais encore une fois, toutes les audaces de scénario tournent à vide puisque le personnage n’existe pas.
Comédie ou drame? On opterait plutôt pour la comédie si on prend en compte, la seule séquence réussie du film : celle au cours de laquelle, ne cessant de se gratter, Hélène -Vanessa Paradis, son épouse, licencie gentiment mais avec fermeté le mari auquel, après une longue période de vie commune, elle est devenue allergique.
« Chien» a toutes les caractéristiques d’un film content de soi.
Francis Dubois
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