1980, en Algérie.
Aïcha, institutrice dans un village retiré, reçoit la visite de Maguit, une femme française d’une soixantaine d’années dont le fils a été tué au cours d’une opération militaire, pendant la guerre, vingt ans auparavant.
Après toutes ces années passées à tenter de faire son deuil, Maguit a décidé de se rendre sur les lieux où Simon est mort.
Elle veut rencontrer Aïcha qui habitait le douar où s’est déroulé le drame.
A l’époque, âgée d’une dizaine d’années, celle-ci a assisté, cachée dans un buisson, à l’opération, à l’encerclement du douar, à l’exécution de plusieurs membres de sa famille et à celle de Simon à qui elle doit d’avoir échappé au massacre.
Ces deux femmes que tout semble opposer, au cours d’une conversation douloureuse, vont entrecroiser leurs récits et remonter le temps.
Aïcha va revenir sur la guerre d’Algérie et Maguit sur la période de l’occupation allemande dont elle garde un traumatisme profond.
A travers la grande histoire et le destin de personnes anonymes, le film d’ Amor Akkar retrace deux itinéraires douloureux.
Amor Akkar metteur en scène algérien originaire de la région des Aurès avait réalisé en 2008 «La maison jaune» une fable humaniste, épurée et émouvante sur le thème du deuil, qui résonnait comme un chant d’amour à la terre natale.
Avec «Celle qui vivra» il réalise un film au récit plus traditionnel qui revient sur deux pages marquantes de l’histoire de la France.
Aïcha a vécu la guerre d’Algérie pendant son enfance dans un douar exposé à tous les dangers, pris en étau entre l’armée française qui organisait des opérations d’intimidation et le FLN qui avait des exigences auprès de la population.
Maguit, elle aussi dans son enfance a connu la période noire de l’occupation allemande.
Leur rencontre en 1980 sera l’occasion de retours sur le passé.
Amor Akkar dont le souci était de revenir sur deux histoires présentant beaucoup de similitudes a construit son film sur le principe du flash-back, des séquences qui, pour être explicites, chargent le récit d’anecdotes parfois inutiles et qui finissent par saturer le travail de mémoire.
L’idée de départ de « Celle qui vivra » était bonne. Elle rejoint ce silence qui a toujours entouré un conflit qu’on a longtemps appelé non pas par son nom de guerre, mais au titre d’une prudence suspecte et mensongère par le terme d’«événements d’Algérie».
De la même façon que les militaires qui y ont participé ont eu beaucoup de mal à en parler à leur retour, Maguit qui a eu du mal à vivre la réalité de la perte d’un fils aura attendu vingt années avant d’entreprendre la démarche qui la libérera d’un poids au point que l’entretien avec Aïcha qu’elle a reculé pendant longtemps, tournera à son avantage dans la dédramatisation.
C’est elle qui, libérée du poids du silence, finira par prendre en main le désarroi d’Aïcha.
La reconstitution d’épisodes de la guerre d’Algérie est souvent saisissante et le décor (le film a été tourné dans la région de Kenchela ville située au pied des contreforts du massif des Aurès) magnifique de dépouillement.
Un très beau film en dépit de quelques réserves à propos de sa construction dramatique.
Francis Dubois
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