C’est à l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, que le réalisateur Joris Lachaise a planté sa caméra. Il est accompagné dans la chronique objective qu’il élabore au jour le jour, de l’écrivain et cinéaste Khady Sylla qui l’éclaire de son expérience vécue et du récit des séjours qu’elle a faits dans l’établissement en tant que patiente.

A travers son expérience vécue de la maladie mentale et de ses traitements, du fonctionnement de l’hôpital, le film explore une histoire récente du Sénégal : l’indépendance du pays et la décolonisation de la psychiatrie.

Cinéma : Ce qu'il reste de la folie
Cinéma : Ce qu’il reste de la folie

Le premier département de psychiatrie du pays fut créé en 1958 par Henri Collomb, un neuropsychiatre à l’attitude controversée et, dit-on révolutionnaire. Sa venue semble avoir marqué une rupture avec la psychiatrie coloniale en faisant apparaître des méthodes désaliénantes et ouvertes à la culture des patients.

Les personnages qui apparaissent dans le film sont, pour la plupart, liées à Khady Sylla ; notamment le Docteur Sara qui était à la fois le doyen de l’hôpital et celui qui fut son médecin traitant pendant dix-huit ans.

Outre Thierno qui, comme Khady, apparaît à titre d’intellectuel et d’ancien patient, il y a Joe Ouakam, celui qui était surnommé le gardien du temps, la figure de l’artiste qui déjoue théâtralement les convulsions de la folie pour mieux les transcender.

Le film est construit sur le rapport d’un « dedans » et d’un « dehors »

L’intérieur correspond au descriptif du fonctionnement de l’hôpital ; l’extérieur par l’institution et les représentations socio-culturelles qui l’environnent. Entre les pratiques thérapeutiques traditionnelles africaines et une médecine moderne venue de l’occident, il ne semble plus y avoir vraiment d’incompatibilité.

Il semble même exister une certaine porosité entre les pratiques traditionnelles ancestrales et celles de la psychiatrie moderne.

La psychiatrie est ici la représentation d’une société sénégalaise toujours tiraillée entre différents modèles culturels qui, loin de s’opposer, trouvent soit des modèles d’alternance, soit des moyens de s’interpénétrer.

L’hôpital de Thiaroye apparaît dans le film de Joris Lachaise comme le lieu où l’on peut s’interroger sur la façon dont l’institution psychiatrique occidentale a pu imposer sa grille de lecture en Afrique.

Comment elle a pu évoluer avec la transformation des sociétés africaines après les indépendances et sous l’influence de la mondialisation.

« Ce qu’il reste de la folie » révèle une infinité de nuances qui apparaissent au fil des débats. On peut y entendre une psychiatre défendre la médecine traditionnelle et une patiente soutenir la médecine chimique en déclarant que sa maladie serait le résultat de l’urbanisation et donc le fruit de l’occident….

Un film passionnant aux résonances multiples.

Francis Dubois


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