C’est au cours d’un tournage dans un cimetière en Suisse, qu’Eric Caravaca se retrouve devant ce qu’on appelle «Le carré enfants».

Face à ces alignements de petites tombes souvent laissées à l’abandon, il a ressenti une émotion qui l’a renvoyé au souvenir tronqué de Christine, une petite sœur décédée dont ni l’existence, ni la mort n’ont été abordées dans une famille totalement fermée sur le sujet.

Cinéma : Carré 35
Cinéma : Carré 35

« Carré 35» est l’histoire d’un silence, d’un secret de famille.

Eric Carvaca a voulu lever le voile sur le mystère autour de cette sœur dont il ne savait rien, sinon qu’elle naquit en 1960 et mourut en 1963 au Maroc, avant la naissance des deux garçons, lui même et son frère.

Tout a été détruit concernant Christine et il n’existe d’elle aucune photographie, aucun document qui puisse témoigner qu’elle a vraiment existé.

Sous prétexte de réaliser un film sur sa famille qui a vécu au Maroc, puis en Algérie avant une installation en France à de nombreux endroits du pays au hasard des nominations successives du père, Eric Caravaca se lance dans les premières investigations.

Il apprend que Christine souffrait de «la maladie bleue» due à une malformation cardiaque congénitale et qu’après sa mort, alors qu’elle avait été confiée pour des raisons mystérieuses à une tante, la mère a décidé de détruire tout ce qui pouvait entretenir et préserver le souvenir de l’enfant.

C’est alors, que poursuivant ses recherches, Eric Caravaca apprend que la «maladie bleue» dont était atteinte sa sœur touche le plus souvent des enfants trisomiques.

Mais là encore, les explications de la famille se brouillent, se contredisent.

Il se rend alors au Maroc et dans le cimetière où fut enterrée Christine, il finit par retrouver sa tombe. Mais le photographie qui figurait sur le médaillon de la plaque de marbre a disparu.

C’est par un des membres de la famille où fut recueillie sa sœur, qu’il a la confirmation que sa celle-ci était trisomique.

Le père du cinéaste traité pour un cancer, sa mère interrogés, finiront par éclaircir un certain nombre de points concernant à mots couverts, les raisons du départ de la famille du Maroc. La parole petit à petit libérée va révéler peu à peu la vérité.

La rencontre d’Eric Caravaca avec une famille marocaine qui avait conservé des photos de l’époque va lui permettre de prendre pour la première fois connaissance du visage de sa sœur…

Le silence de cette famille, son refus d’aborder un sujet douloureux, renvoie le film à un sujet plus vaste, à ce silence qui a été longtemps entretenu concernant les guerres coloniales au Maroc et en Algérie. Au refus tenace d’appeler ces guerres par leur nom pour les affubler du terme réducteur et mensonger «d’événements». Au silence qui persiste toujours autour des événements de 1945 en Algérie, au refus d’aborder de façon frontale des faits comme les massacres de Sétif au mois de mai de cette année là.

Eric Caravaca qu’on connaît comme comédien au théâtre et au cinéma, a réalisé un film magnifique d’un grande pudeur mais animé d’une farouche détermination.

A voir absolument.

Francis Dubois


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