
Ester élève seule son fils adolescent, David, déficient intellectuel. Rêvant d’un peu d’insouciance et de gaieté, elle part avec lui en Italie chez une amie, propriétaire d’une belle villa au bord de la mer. Quelques gestes de son fils choquent la famille qui les accueillait. Celle-ci leur propose alors, pour les éloigner de la maison sans les chasser vraiment, une vieille caravane au fond du jardin. Blessée, Ester décide de prendre la route dans cette caravane avec son fils. Dans leur périple, ils rencontrent Zuza une marginale qui décide de partir avec eux. Le trio s’embarque alors dans un voyage plein de liberté, d’amitié, de joies passagères mais aussi de chagrin.
La réalisatrice Suzana Kirchnerová a elle-même un fils atteint de trisomie 21 et diagnostiqué autiste. L’histoire du film n’est pas la sienne mais résonne comme un écho au désir de fuite qui saisit souvent les parents d’enfants handicapés devant le rôle qui leur est imposé. Ester aime profondément son fils. Mais comment conjuguer la surveillance constante qu’il impose et le désir d’avoir une vie en dehors de lui, d’être enfin libre ?
Le premier film de la réalisatrice, qui a fait ses études de cinéma à Prague, a été distingué par le premier prix à la Ciné-fondation du Festival de Cannes en 2009. Autrice ensuite de plusieurs court-métrages remarqués par la critique, son long-métrage Caravane a été retenu dans la sélection Un certain regard au Festival de Cannes 2025.
Sur un sujet grave, le ton du film n’est jamais lourd. Il y a ces moments de joie et de plaisir dans les rires des douches prises en commun ou la délicatesse de Zuza envers cet adolescent en pleine transformation physique. Le film est empreint d’humour et d’une légèreté qui, même si elle se teinte parfois d’un brin amertume, ne laisse jamais place à la tristesse.
Ester, superbement interprétée par Aňa Geislerová, est une femme mûre mais encore belle. Elle est à l’écoute de son fils mais n’a pas abandonné tout désir d’aimer et d’être aimée. Et quand fatiguée elle repousse David et que celui-ci se perd, sa façon de remuer ciel et terre pour le retrouver et son allégresse quand elle le retrouve emportent l’émotion. A ses côtés Juliana Brutovská incarne une Zuza amatrice de musique métal, de joints partagés, décidant sur un coup de tête de partir avec Ester et qui sait être à l’écoute de David. La réalisatrice a choisi pour interpréter cet adolescent, David Vodstrail, un acteur neurodivergent. Elle lui a permis d’apparaître comme un être à part entière avec sa personnalité, ses désirs, sa tendresse, ses colères et ses chagrins et c’est très beau.
Micheline Rousselet
Film présenté dans la sélection Un certain regard au Festival de Cannes le 22 mai 2025. Date de sortie en salle précisée ultérieurement
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