Lorsque sa grand-mère est hospitalisée gravement malade, Camila vient, avec sa mère et sa sœur cadette, s’installer dans son appartement à Buenos-Aires. Elle quitte son lycée public de La Plata pour un lycée privé catholique traditionaliste, dans un quartier chic de la capitale où est situé l’appartement de cette grand-mère, dont tout la sépare. Dans ce milieu où elle se sent mal à l’aise, elle rencontre Clara, une compagne de classe qui l’attire sexuellement et qui semble cacher un secret, mais aussi d’autres adolescents, un garçon séduisant mais toxique, un autre probablement gay.

La réalisatrice Inés María Barrionuevo aborde avec fluidité et sensibilité les thématiques propres à ce moment clé de la vie adolescente, la fin du lycée et le passage à l’âge adulte : révolte générationnelle, découvertes amoureuses avec ses hésitations entre aimer une fille ou un garçon, amitiés et trahisons. S’y ajoutent la prise de conscience des oppositions de classe, les pressions d’une société patriarcale, le poids des injonctions de l’Église et un rejet de la corruption qui mine les institutions. Tout cela dans un contexte où se multiplient en Argentine des manifestations féministes, pro-avortement et dénonciatrices des viols.

Les couleurs dans les gris et les bleus, la lumière tamisée et froide des vestiaires, lieu où les cruautés se révèlent, correspondent bien à l’univers du lycée privé chic où Camila se sent enfermée. L’appartement immense et froid de sa grand-mère, que l’on ne voit jamais, laisse pressentir tout ce que celle-ci a de réactionnaire, confite en bondieuserie et en règles étriquées. À cet univers fermé s’opposent les couleurs chaudes, l’explosion de vie des jeunes dans les scènes de fêtes, leur chaleur à être ensemble dans ces manifestations pro-avortement qui dénoncent aussi l’indulgence qui accompagne souvent les violeurs dans une société encore très patriarcale.

La réalisatrice a su trouver l’ambiance d’un lycée privé avec ses petits complots entre élèves, sa cruauté et ses moments de grâce. Elle a surtout trouvé en Nina Dziembrowski l’interprète idéale, 18 ans et terminant ses études comme Camila, le personnage qu’elle interprète. Visage fermé sur sa solitude et sa révolte, contre le monde de sa grand-mère et contre sa mère qui lui a imposé ce dépaysement, se libérant dans la danse et la musique des fêtes. Libre, ayant affirmé sa dignité, en entraînant quelques camarades et en ayant fait la fierté de sa mère, c’est à regret qu’on la quitte.

Micheline Rousselet

Camila sortira ce soir, de Inés María Barrionuevo (Argentine, 2021, 103 min), sélection Cannes écrans juniors 2023, Prix Libertés chéries à Paris, Sortie nationale le 7 juin 2023


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