Menashé habite et travaille dans le quartier juif ultra orthodoxe de Brooklyn.

Modeste employé dans une épicerie, il a du mal à joindre les deux bouts. Cependant, après la mort de sa femme, il souhaite récupérer son fils d’une dizaine d’années qui lui a été retiré et qu’on a provisoirement confié à des parents proches.

Car, en tant que veuf, la tradition hassidique lui interdit d’élever seul son enfant.

Il lui faudrait accepter les propositions d’une marieuse pour prendre une autre épouse mais pour l’instant, un remariage n’est pas dans ses projets.

Lorsque le grand rabbin lui accorde une dérogation et l’autorise à prendre son enfant une semaine avec lui, c’est pour Menashé l’occasion de prouver qu’il peut être un père dans le respect des règles de sa communauté.

Joshua Weinstein vient du documentaire et l’univers hassidique l’intéressait.

Le film qu’il allait entreprendre sur le sujet était une façon de comprendre le microcosme hassidique et pour cela, il approcha le milieu en allant dans les cafés, en s’associant aux prières et en se confondant dans le décor avant d’expliquer aux responsables de la communauté le projet cinéma qu’il avait en tête.

Le refus de la communauté de se prêter à un tournage a failli mettre le projet en péril.

C’est alors que par l’intermédiaire d’un ami qui avait réussi à faire des vidéos et des clips musicaux au sein de la communauté, Joshua Weinstein est amené à faire la connaissance de Menashé.

C’était un personnage qui était commis épicier et qui faisait des animations dans les fêtes religieuses, mariages et bar-mitsva. Quelqu’un à qui tout le monde trouvait des dispositions chapelinesques mais qui, tout en étant très drôle, semblait porter en lui les marques d’une grande douleur.

Menashé a fini par se confier et à raconter à Joshua Weinstein son histoire : la mort de son épouse, la perte de la garde de son fils et son désarroi de père.

Le réalisateur est parti de sa propre histoire, de son émotion pour construire la dramaturgie de son film et il a conservé à Menashé la charge pathétique de son personnage en même temps que le potentiel burlesque qu’il portait en lui naturellement.

La façon qu’a le réalisateur de filmer Menashé, son corps, sa façon de se mouvoir, de marcher, d’occuper l’espace avec sa rondeur, apporte une note burlesque aux scènes d’extérieur notamment, une espèce de candeur, de naïveté naturelle alors qu’on sait le personnage tout empreint de sa douleur de père dépossédé de son enfant.

Cinéma : Brooklin yiddish
Cinéma : Brooklin yiddish

Dans la toute première scène du film dans le quartier de Brooklyn où apparaissent de très nombreux juifs orthodoxes vaquant à leurs occupations, au moment où le personnage se détache de la masse des passants et que la caméra isole Manoshé, sans qu’on sache quoi que ce soit à son sujet, on sait que ce personnage est un homme solitaire aux prises avec des difficultés.

Joshua Weinstein a mis au centre de son récit un homme d’apparence débonnaire mais éprouvé par la vie. Il a su, au second plan de son film et sans s’attaquer aux travers du hassidisme, montrer accessoirement certaines faiblesses du système vis à vis des femmes, comme l’impossibilité de conduire une voiture, les abus de pouvoir, la femme reléguée à ses fonctions de mère ménagère.

Ce premier film entièrement en yiddish est une franche réussite et notamment grâce à la complexité de son personnage principal, à la façon pour le réalisateur de traiter la cruauté de l’enfance et de saisir dans son mouvement, la particularité de ce quartier de Brooklyn…

Francis Dubois


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