Yanis, Eric, Nasser et Franck constituent un groupe qui s’est spécialisé dans le braquage.
Entre deux « coups », chacun vaque à ses occupations et retourne à une vie familiale parfois tourmentée, où à sa solitude, entre paranoïa et inquiétude des proches.
Le gang sous l’autorité du charismatique Yanis va pourtant se trouver en difficulté quand, pris dans la spirale du gain, Amine son jeune frère commet une erreur.
Sous la pression d’un odieux chantage, le groupe va devoir travailler pour les gros trafiquants de la cité.
Cette fois-ci, ils vont devoir sortir de leurs règles habituelles de fonctionnement.
Il ne s’agira plus de braquer un fourgon blindé mais un go-fast transportant une forte quantité d’héroïne. La situation va se compliquer quand se retrouveront face à face le groupe de braqueurs et celui des dealers…
« Braqueurs » est de la plus sobre efficacité, à l’image de son titre.
C’est un film d’action urbain, moderne, ancré dans la réalité des banlieues françaises de 2015.
Mais « Braqueurs « , à la différence des thrillers traditionnels n’est pas qu’un film d’action et le récit qui se déroule met plus de soin à composer des personnages forts et « à hauteur d’homme » qu’il ne se soucie d’établir un rythme effréné dans le but de tenir en haleine le spectateur.
Et si tous les rouages universels du genre sont bien là : la loyauté, la trahison, les renversements d’alliances, l’importance de la famille, la solitude du chef, la vie des braqueurs y apparaît avec la fragilité d’un château de cartes.
Un seul faux pas et l’édifice au rouage parfait peut s’écrouler d’un seul coup et entraîner des répercutions terribles.
Si Yanis roule dans une 206 fatiguée, c’est qu’à l’inverse des années 70 où les voyous étaient des flambeurs, la nouvelle génération du grand banditisme est très prudente.
Au lieu de parader dans des costumes hauts de gamme et dans des véhicules flamboyants, elle investit ses « gains » et monte des PME.
Les braqueurs nouvelle génération possèdent des kebabs, des salons de coiffure et des entreprises pour blanchir leur argent et ils se préoccupent de ce qu’ils vont pouvoir léguer à leurs enfants.
Julien Leclercq, pour l’écriture de son scénario, a fait appel à Jérôme Pierrat, un journaliste spécialisé dans le crime organisé depuis une quinzaine d’années. C’est quelqu’un qui, pour côtoyer des malfrats, a une approche de l’intérieur de ce milieu. Il en connaît les codes, les mécanismes et les facultés des braqueurs à passer une frontière.
Si le récit sonne aussi juste, c’est à cause de la parfaite documentation dont le metteur en scène a bénéficié pour écrire son scénario. C’est aussi parce qu’il a su construire des personnages qui, à aucun moment, se comportent en héros.
Yanis, campé par Sami Bouajila est un homme silencieux, rugueux, minéral, dans la ligne des personnages de Melville. Il se définit comme appartenant à la « old school », fait preuve d’une forme de droiture à l’ancienne et traine à ses basques la peur constante de se faire serrer.
Ce qui entretient le personnage dans l’enchaînement des braquages n’est pas tant l’appât du gain que sa dépendance à l’adrénaline.
La bonne autre idée est d’avoir distribué le rôle d’Eric à Guillaume Gouix. Le comédien à la gueule d’ange et qui traine dans sa façon d’être une candeur innée forme avec Alice de Lencquesaing qui interprète Audrey sa compagne, un couple complètement renouvelé dans le contexte d’un thriller. L’un et l’autre ajoutent à la fragilité de l’histoire.
« Braqueurs » est une excellente surprise, un excellent moment de cinéma. Sa seule faiblesse, face au « grand public », sera de ne faire aucune concession à la moindre facilité.
Francis Dubois
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