Après dix ans passés à l’étranger pour des raisons qui resteront obscures, Catherine, la petite trentaine, fait sa réapparition au Luxembourg avec comme objectif de nouer les liens avec sa fille Alba, douze ans, qui depuis son plus jeune âge, a été élevée loin d’elle, par Elisabeth, sa propre mère.
La fillette se montre froide et distante avec cette mère étrangère qu’elle voit entrer dans sa vie.
Quant à Elisabeth, elle semble surtout soucieuse de protéger sa petite-fille et de tenir Catherine le plus à l’écart possible.
Un jour Catherine parvient à arracher à Alba son accord pour qu’elles passent une journée ensemble. Mais au moment de ramener sa fille chez sa grand-mère, elle se ravise et sous toutes sortes de prétextes prolonge la «récréation».
La journée se poursuivra dans le chalet familial près d’un lac au nord du pays où la mère et la fille
passeront la nuit…Des signes de déséquilibre apparaissent dans le comportement de Catherine et au cours de cette randonnée insolite, celle-ci devra comprendre que son plus grand adversaire est peut-être au fond d’elle-même.
Laura Schroeder qui a été la réalisatrice de deux courts métrages, portait depuis longtemps le projet d’un film long dont le sujet serait tout simple : une jeune femme tente de se rapprocher de sa fille et échoue dans sa démarche.
Une femme qui se trouve dans une situation particulière et qui se regarde foncer droit dans le mur puisqu’ elle sait dès le départ que sa tentative est vouée à l’échec, représente le sujet récurrent des films de Laura Schoeder.
La réalisatrice a pris le parti de diluer dans la durée les moments des retrouvailles de la mère et la fille. Ce sont d’abord des tentatives d’approche qui se heurtent aux réticences de la fillette et à la méfiance d’Elisabeth, des confrontations feutrées, des affrontements mesurés et ce climat familial improvisé se charge de tensions sourdes et de non-dits.
Le personnage de Catherine est lesté de mystère jusque dans sa démarche de renouer avec sa fille. Comment a-t-elle pu pendant dix années vivre sans elle et subitement vivre ces retrouvailles comme une nécessité, une urgence ?
Pourquoi Elisabeth a-t-elle intercepté les lettres que Catherine adressait à Alba ? Était-ce dans le but de protéger la fillette d’une mère déséquilibrée et peut-être dangereuse, était-ce simplement un réflexe de jalousie, de possessivité aveugle ?
Laura Schroeder, avec la complicité de son interprète principale réussit tout particulièrement la période où Catherine séduit et apprivoise sa fillette. La reconversion des sentiments d’Alba à l’égard de sa mère se fait de façon naturelle avec la spontanéité de l’enfance retrouvée et leur nouvelle complicité repose sur la fantaisie que développent ses inventions, comme des pièges tendres où Alba se laisse prendre.
Il y a beaucoup de finesse, de délicatesse dans la mise en scène de Laura Schroeder et le soin qu’elle apporte à filmer les paysages verdoyants, le chalet qui fait penser à un décor de conte de fée.
La participation d’Isabelle Huppert qui endosse le personnage d’Elisabeth complète le charme et l’efficacité d’une œuvre toute en nuances…
Francis Dubois
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