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Bagdad 2006, le jour de l’exécution de Saddam Hussein. Sara pénètre dans la gare centrale de Bagdad déterminée à commettre un attentat suicide au milieu de la foule. Mais c’est sans compter avec sa rencontre imprévue avec Salam, un jeune homme charmeur et sûr de lui. Alors qu’il devient l’otage du plan de Sara, Salam va tenter par tous les moyens d’empêcher l’attentat. Il en appelle à son fond d’humanité pour sauver sa peau et celles de tous ceux qui vont et viennent inconscients du danger qui menace leur vie.
A l’origine de « Bagdad Station », il y a un article paru dans un journal irakien à propos d’une femme kamikaze qui se rendit à la police cinq minutes avant l’explosion de la bombe qu’elle portait sur elle. Elle fut attachée nue à la porte du poste de police, exposée au regard des passants, publiquement humiliée.
Le film de Mohamed Jabarah Al Daradji suit pendant des heures une femme engagée dans une situation dans laquelle elle est poussée instinctivement même si elle ne la comprend pas pleinement.
Qu’est-ce qui pousse une aussi jeune fille à commettre un acte tellement inconcevable ?
Est-ce pour une raison religieuse qu’elle agit ? Est-ce par conviction pour aider à se construire l’utopie islamiste où est-ce le désir de réaliser « un mariage pieux avec le paradis ? »
Est-ce le besoin de s’émanciper qui la pousse à devenir un « bon soldat » à la solde d’organisations patriarcales ?
Le film tente de donner une réponse à ce qui se cache derrière de tels actes tout en illustrant la fragilité de la société sous le menace islamiste. Il illustre également le flou idéologique dans lequel se trouvent des jeunes gens qui subissent les effets d’une force invisible et qui peuvent finir par se convaincre qu’ils sont porteurs d’une mission exemplaire. C’est sans doute cette force, cette pulsion idéologique qui les conduisent à un aveuglement tel qu’ils sont capables de tout laisser derrière eux, d’abandonner leurs attaches, leurs familles et de s’abandonner eux-mêmes. Sont-ils convaincus du bien fondé de leur action alors qu’elle est en contradiction avec les commandements de base de toute religion ou bien sont-ils les victimes de promesses mensongères et de propagande ?
Mohamed Jabarah Al-Daradji observe son personnage sans nous éclairer sur ses motivations profondes, sur le vrai regard qu’elle porte sur ceux autour d’elle qui pourraient vivre les derniers instants de leur vie.
Il nous donne à voir le regard verrouillé de quelqu’un qui se réfugie dans une détermination sans doute plus fragile qu’il n’y paraît et il propose, face à Sara , avec celui de Salam, un personnage qui reste à la limite du drame auquel il est confronté.
Francis Dubois
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