A vingt-cinq ans, Ana a du mal à se stabiliser. Est-elle à la recherche de ce qui pourrait équilibrer sa vie ou bien laisse-t-elle les choses se faire d’elles-mêmes ?
Après une nouvelle expérience malheureuse sur le tournage d’un film où elle était chargée de véhiculer les comédiens au volant d’une Porsche, elle retourne à Strasbourg, sa ville natale.
Là, elle retrouve ses anciens amis et l’amoureux avec qui elle avait récemment rompu.
Mais c’est vers sa grand-mère qu’elle se tourne. La paralysie guette la vieille dame et Ana décide avec l’aide d’un garçon qui n’est pas plus plombier qu’elle, de changer la baignoire désormais inadaptée aux besoins de l’aïeule, contre une douche de plain-pied.
Ayant « oublié » de rendre la Porsche à la production du film, elle se lance dans des pointes de vitesse, perd son permis de conduire, renoue avec ses flirts passés, s’interroge sur les sentiments qui lui restent de sa relation avec son ex-amoureux, écoute les propos inquiets de sa mère à son sujet pendant qu’ensemble, elles cueillent des mirabelles pour les confitures.
Le film de Rachel Lang pourrait se résumer ainsi mais s’il existe dans les anecdotes, il est surtout présent dans les interstices du récit.
« Baden Baden » est le portrait sensible d’une jeune fille « victime de l’air du temps », de cet état des choses qui donne aux jeunes gens de notre époque de fausses marges de liberté, les livre à une errance qui leur interdit d’arrêter un choix, qu’il s’agisse d’option professionnelle ou sentimentale.
Ana écoute les uns et les autres autour d’elle, depuis sa mère inquiète à son sujet jusqu’à sa copine habilleuse qui voudrait lui dicter de nouveaux choix vestimentaires mais elle préfère faire équipe avec un garçon lunaire pour des travaux de plomberie aléatoires.
Ana brouille les pistes qui pourraient la conduire à une stabilité et c’est sans doute sa peur de l’avenir, des échéances qui s’annoncent qui la fait opter pour des projets qui n’en sont pas vraiment mais qui occupent son temps et reculent d’autant le moment inéluctable des vrais choix.
Le film de Rachel Lang est une comédie « sur le fil » joyeuse mais grinçante qui dresse un état des lieux à la fois alarmant et serein sur les incertitudes et les tâtonnements d’une jeunesse offerte à tous les pièges qu’a mis sur son parcours une société elle-même hésitante, incertaine et tâtonnante et qui n’offre guère de perspectives.
Le personnage d’Ana est l’héritier de ceux qui habitaient les films de Pierre Etaix, Jacques Tati, ces doux rêveurs qui font leur affaire d’un monde auquel ils n’adhèrent pas ; qui s’en arrangent pour mener une vie à leur façon.
Ana se réveillera-r-elle de sa vie rêvée ? Rentrera-t-elle un jour dans le rang ?
Rendra-t-elle un jour la Porsche qui ne lui appartenait pas ? Résistera-t-elle à l’envie de faire une pointe de vitesse sur l’autoroute ? Fera-t-elle un jour appel à un plombier pour réaménager sa salle de bains ?
On reste sur le bénéfice du doute et c’est tant mieux.
Une fameuse bonne surprise que ce film joyeux et mélancolique à la fois, foutraque et maîtrisé. Et Salomé Richard compose une Ana remarquable.
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu