Ayka vient d’accoucher mais la misère économique où elle se trouve et la détresse qui en découle ne lui permettent pas de prendre en charge un enfant. Elle est sans emploi, couverte de dettes, poursuivie et menacée par ses créanciers et n’a pas même de quoi avoir une simple chambre à elle.

Comment cette jeune femme à terre mais courageuse, en dépit des harcèlements de la vie dont elle est l’objet, va-t-elle pouvoir garder sa tête hors de l’eau ?

Cinéma : Ayka
Cinéma : Ayka

Le réalisateur apprend par hasard à la lecture de simples statistiques dans une revue que dans les maternités de Moscou 248 nouveaux-nés ont été abandonnés par des mères venues du Kazakhstan.

Il s’est penché sur le phénomène et a cherché à préciser les raisons pour lesquelles ces mères kirghizes se trouvaient contraintes à l’abandon de leur enfant dans un pays étranger et à le livrer au hasard d’un destin d’avance sacrifié.

Un acte peu naturel pour une femme, surtout comme Ayka, issue d’une culture essentiellement construite autour des liens familiaux.

En conclusion de ces questionnements, l’idée de faire un film s’est petit à petit imposée à Serge Dvortsevoy.

Le personnage central du film allait être une jeune femme Kirghize qui abandonne son enfant aussitôt après son accouchement dans une maternité de Moscou et le sujet développerait les circonstances qui l’auront poussée à prendre cette décision. Ce serait l’histoire d’une personne démunie dont les relations avec la société se sont détériorées au point que l’individu finit par se perdre moralement.

L’acharnement négatif que subit Ayka, le nombre innombrables de revers qu’elle doit affronter produisent un effet irrespirable sur le récit et plus encore quand le réalisateur, qui initialement devait situer son film au printemps, l’a finalement situé en hiver, par grand froid et pendant des tempêtes de neige.

Serge Dvortsevoy a chargé le scénario de tout ce qui pouvait arriver de pire à son personnage et le fait de cette surcharge dramatique, même si elle reste crédible, finit par égarer «  Ayka  » dans un essoufflement narratif qui, à certains moments, ne reste plausible qu’à travers l’interprétation toute en nuances de la comédienne Samal Yeslyamova, dont le rôle lui a valu un prix d’interprétation au dernier festival de Cannes.

On voudrait pouvoir laisser à Ayka ici et là, la possibilité d’une trêve, d’une rupture dans l’accumulation des malheurs qui la submergent et il faudra attendre le dernier plan du film pour qu’un sourire vienne illuminer le visage de la jeune femme et que le spectateur soit récompensé de sa longue attente.

« Ayka » est un film cinématographiquement parfaitement maîtrisé, au récit magnifiquement construit et si le spectateur peut, à certains moments, se lasser des malheurs incessants de la jeune femme, la responsabilité en revient moins au scénario qu’à un état du monde tellement mauvais qu’on est tous saturés par des informations, des images qu’on aimerait bien attribuer à une fiction plutôt qu’à la réalité du quotidien d’une mère yéménite ou palestinienne….

Francis Dubois


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