M. Menahem qui a été, alors qu’il était enfant, abusé par des membres de sa communauté, revient vingt ans après à la recherche des coupables dans son quartier natal de Bnel Brak, capitale mondiale des juifs ultra-orthodoxes.

Cinéma : M
Cinéma : M

En hébreu, Menahem signifie consolateur. Enfant, Menahem Lang dont la communauté appréciait la voix exceptionnelle quand il chantait les chants liturgiques, cachait un secret que personne autour de lui ne voulait voir révélé. A vingt ans, il quitte Bnel Brak, se défroque, coupe ses papillotes et va vivre à Tel Aviv où il devient acteur chez Amos Gitai. Quelques années plus tard, il révèle à la télévision israélienne les sévices et attouchements dont il a été victime enfant, provoque un véritable scandale, reçoit des menaces et raye Bnel Brak de sa vie. Il y reviendra vingt ans plus tard pour le tournage du film. Ce retour est alors celui qu’il effectue dans un monde où il a souffert mais qu’il a beaucoup aimé et auquel il était très attaché….

Le film s’adresse à ceux que Yolande Zauberman nomme les enfants blessés, à tous ceux qui ont eu un premier contact brutal avec la sexualité, qu’il ait été vécu sous la forme verbale ou sous la forme de gestes ou d’actes. Des événements dont on ne parle généralement pas, qu’on partage très peu avec les autres pour de multiples raisons, dont on ne mesure pas toujours la portée mais qui peuvent être des bombes à retardement.

Yolande Zauberman considère que le viol sous quelque forme que ce soit peut se multiplier et se propager à la faveur du silence. En faisant ce film, elle prenait conscience qu’elle entrait dans un monde où elle n’aurait jamais dû entrer et que, si elle y entrait tout de même c’est qu’il y avait quelque chose que ce monde avait à révéler, une sorte de secret et qu’il y allait de son devoir de lever le voile sur des pratiques coupables.

Puisque, en tant qu’individu blessé, la victime est rentrée dans un cercle vicieux : comment ne pas devenir soi-même un violeur quand on a été violé.

Comment ne pas passer à l’acte quand on a ça en soi et qu’il n’y a pas eu, comme c’est le plus souvent le cas, de révélation libératrice, puisque le silence est de rigueur, et qu’il n’y a eu ni le lieu ni les conditions réunies pour évacuer les pulsions.

« M » est un film lumineux sur un sujet sombre et ténébreux, celui d’actes même enfouis, dont on se défend autant qu’on peut de ne jamais mesurer l’horreur parce, qu’on soit victime d’un viol ou qu’on appartienne à l’entourage de la victime, on est démuni et que le plus souvent la solution de repli, la plus confortable, est dans la minimisation de l’acte, voire dans le silence.

« M  » arrive sur les écrans peu de temps après le film de François Ozon.

Sous deux formes différentes : l’un est un documentaire sur une personne dont le nom est cité et l’autre une fiction très documentée où les protagonistes présumés innocents apparaissent sous leurs vrais noms, ces deux films sont voisins l’un de l’autre pour l’essentiel : Ils révèlent au grand jour des actes de pédophilie agissant comme braise sous la cendre et que de mystérieuses pulsions inconscientes poussent, quelque fois beaucoup plus tard, à la révélation

Yolande Zauberman, avec son film-choc nous emmène dans un endroit où l’on n’aurait pas pu aller sans elle. Le désordre qui découle d’un traumatisme passé sous silence….

Francis Dubois


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