Novembre 2016, dans les derniers temps de la campagne présidentielle qui oppose Hillary Clinton et Donald Trump, Claus Drexel et son chef opérateur ont fait une plongée au cœur de l’Arizona dans la petite ville de Seligman, agglomération déshéritée depuis que la construction d’une autoroute a fait de la route 66 qui la traversait une artère devenue déserte du jour au lendemain.

C’est dans et autour de Selignam que Claus Drexel a rencontré des déçus du rêve américain qui, tous défenseurs du libre port d’armes et de ce fameux 2ème amendement qui l’autorise, livrent à la caméra leurs espoirs et leurs craintes face à une issue du scrutin qu’ils souhaitent pour la plupart d’entre eux, favorable à Trump.

Cinéma : América
Cinéma : América

Face à l’objectif, défile une série de portraits de jeunes, de moins jeunes, de vétérans, tous fanatiques d’armes qu’ils exhibent avec fierté et dont ils démontrent la nécessité, eux qui se disent envahis de toutes parts par des hordes d’étrangers.

Même si on peut penser que, pour composer son film, Claus Drexel a sélectionné les rencontres les plus «représentatives» de l’esprit de ces américains pour la plupart déshérités économiques, revenus de tout mais amoureux et fiers de leur pays.

De la mythique route 66 immortalisée par John Steinbeck dans «Les raisins de la colère» qui racontait l’exode des fermiers vers la Californie dans les années 30, il ne reste, qui forment le décor du film, que les paysages magnifiques qu’on connaît (ici superbement photographiés) hérissés à proximité de l’agglomération, de modestes habitations et ça et là de multiples épaves de voitures qui semblent être là à vie ou autres carcasses d’animaux.

Ce décor désespéré n’a d’égal que l’impression que donnent certains intervenants de vivre un sorte d’attente de rien, dans un passivité sinistre.

Et les drapeaux américains plantés ça et là dans un décor orphelin de vie ajoutent au malaise de certains témoignages particulièrement difficiles à entendre comme celui de cette jeune mère qui est fière d’avoir offert une arme à son garçon de cinq ans (déjà tireur habile) et qui en offrira une au gamin qu’elle porte encore dans son ventre quand il aura cinq ou six ans (selon son degré de maturité!) ; ou cet homme jovial ou faussement jovial qui prône des peines de mort prononcées jusqu’à ce que la peine capitale devienne une «routine» ; ou cette ancienne du Vietnam traumatisée par la vue d’un enfant mort mais qui raconte froidement comment elle a tué un garçon qui l’attaquait ; ou cette autre encore qui aimerait bien assister à une exécution pour avoir vécu-ça-au moins-une-fois-dans-sa-vie!

Ou cet homme encore qui dans le décor cossu de sa maison, dit se méfier autant d’Hillary Clinton que de Donald Trump et qui a avoue au final qu’il n’a pas déposé de bulletin de vote tout simplement parce qu’il a été destitué de son droit de vote à la suite d’une bagarre dans un bar, dont on ne connaît pas l’issue.

L’idée est venue à Claus Dexel de réaliser ce film lorsque, lors de repérages, avec son chef opérateur, ils ont rencontré deux hommes en train de dépecer un cerf en buvant des bières.

Le ton était donné mais ni le réalisateur sans doute, au cours du tournage, ni les spectateurs de son film, avec cette scène révélatrice mais banale, ne savaient qu’ils n’étaient pas ou bout de leurs surprises.

Un film nécessaire qui devrait nous alerter, nous alarmer sur les capacités de l’homme à dépasser les pires de ses limites.

Francis Dubois


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