Gaetano, la trentaine est un jeune homme taciturne. Il a succédé à son père dans la boulangerie familiale depuis que celui-ci a cessé ses activités. Même si son pain est très apprécié par la clientèle, Gaetano qui est d’origine française, n’a jamais été totalement intégré par la communauté sicilienne.
Lorsque son frère aîné décède au cours d’un acte de vengeance qui coûte, par ricochet, la vie à deux habitants du village dont le curé, les officiels locaux refusent qu’il soit enterré au cimetière du village, auprès de sa mère, ainsi que le souhaite Gaetano.
Un village qui vit tout entier sous l’autorité d’Enza la maire du village qui veille à ce que les traditions, même si elles sont ancestrales, soient respectées et qui se comporte en ce sens sur la base de méthodes digne d’une baronne de la pègre.
Ainsi, les gens considérés comme étant de mauvaise nature ne peuvent avoir une place au cimetière auprès des honnêtes citoyens.
Qu’adviendra-t-il dès lors de la dépouille du frère de Gaetano ?
D’autant que celui-ci a pris la décision que coûte que coûte, son frère aîné serait enterré comme il en a décidé, auprès de leur mère.
Avec la complicité d’Anna sa fiancée qui n’est autre que la fille d’Enza, il va mener son projet quitte à mettre en danger sa propre personne et la vie de ses proches.
A Palerme, les récits d’Homère – ici le mythe antique d’Antigone- peuvent s’appliquer aux nouvelles légendes urbaines.
Le combat qu’engage Gaetano avec Enza, aussi déterminé soit-il, est un bras de fer qui semble opposer des forces inégales.
Le film de Julien Paolino est le récit de ce combat sur fond d’une chronique villageoise marquée par la domination d’un pouvoir totalement aveuglé par le respect de traditions obsolètes mais que chacun considère comme un élément essentiel sur lequel repose l’édifice.
Le contexte de ce récit aride, une île qui semble coupée du monde et que la rigidité des comportements isole doublement, amplifie le sentiment d’enfermement.
L’obstination de Gaetano à donner la vraie sépulture à la dépouille de son frère apparaît comme une sorte de sursaut de liberté dans un monde verrouillé.
Bien que sa mère soit sicilienne, Gaetano, son père et son frère ont été toujours relégués à l’état d’étrangers et s’ils ont été jusque là tolérés par la communauté de l’île, le crime commis vient confirmer que tout ce qui touche à leur présence est de mauvaise nature.
« Amare Amaro » est un film aride qui revisite le mythe d’Antigone dans le contexte extrême du carcan des traditions basée sur des règles de morale et qui, pour être obsolètes, n’en sont pas moins profondément enracinées.
La force du film est double. Elle est dans le traitement du sujet. Elle est dans le cadre particulier de cette île ouverte sur la mer et cadenassée par les mentalités.
Francis Dubois
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