Neige, la petite quarantaine, divorcée et mère de trois enfants rend régulièrement visite à son grand-père algérien dans la maison de retraite où il séjourne dorénavant. Neige voue à son aïeul, un amour immense, ce pilier de la famille qui l’a en partie élevée et qui l’a surtout protégée de la toxicité de ses parents.

Les rapports entre les différents membres de cette famille mixte sont parfois compliqués. Les rancœurs sont nombreuses mais Neige peut compter sur la présence réconfortante de son ex, François, un garçon plein d’humour et qui pratique la dérision positive.

La mort du grand-père a sur la famille l’effet d’un véritable cataclysme et elle provoque chez Neige, une crise identitaire profonde. Dès lors, elle va vouloir connaître et comprendre son ADN.

Le projet de réaliser un film sur Madame du Barry, la maîtresse de Louis XV tardant à se concrétiser pour des raisons de financement, Pascal Caucheteux le producteur des films de Maïwenn lui a demandé de réfléchir en attendant à un sujet moins onéreux qu’il serait possible de monter rapidement. Maïwenn a fouillé dans ses notes et en a retiré le sujet d’« ADN » qui, même s’il était exigeant et nécessitait une distribution nombreuse, était financièrement moins gourmand que « Madame du Barry. »

Mathieu Demy est un ami de la cinéaste de « Police » et de « Mon roi ». Au moment où le projet d’ADN se met sur le rail, il vient de perdre sa mère Agnès Varda. Maïwenn lui propose d’écrire avec elle ce film sur le deuil. Avec le film en projet, Maïwenn a voulu retrouver la liberté de son premier film. Avec Mathieu Demy ils écrivent une quarantaine de pages. Les scènes y sont résumées avec des fragments de dialogue. Elle voulait que les comédiens se les approprient et que chaque scène soit une improvisation. Elle ne voulait surtout pas interrompre une scène en cours.

Le film de Maïwenn est un film de montage. Le respect de l’ordre chronologique pour le tournage, les différentes prises de chaque scène mélangées, le fait que le déroulement d’une prise ne soit jamais interrompu imposait que « ADN » soit réécrit au montage même si en fin de tournage il comptait 150 heures de rushes.

La réussite du résultat final revient bien sûr à la virtuosité de la mise en scène et à la direction d’acteurs « sur mesure » mais le mérite en revient aussi au talent de Laure Gardette, la monteuse, vieille complice de Maïwenn (qui a souhaité travailler seule pendant une longue période).

Si le personnage du grand- père est directement inspiré du grand-père de la réalisatrice, si le personnage interprété par Maïwenn est « ressemblant » et si dans son ensemble le film raconte son histoire et celle de sa famille, Maïwenn refuse que l’on parle d’un récit autographique qui serait trop réducteur alors que le film est ample et généreux. Comme son « héroïne » Maïwenn est obsédée par les questions identitaires, ses origines, ce que représente l’Algérie pour elle.

Le film pose une multitude de questions telles que « ce que les parents transmettent, ce que les grands parents ont transmis, comment l’histoire de ces ascendants  rejaillissent sur nous ; ce que ça veut dire d’être originaire de tel ou tel pays… » ; Maïwenn aborde tous ces sujets à la fois avec délicatesse, un regard d’une grande sensibilité mais de façon frontale.

Une distribution magnifique complète le plaisir. Fanny Ardant a mis de côté sa diction hautaine. Maïwenn est touchante. Dylan Robert révélation de « Sherazade » confirme la grande spontanéité et la sincérité de son jeu. Marina Vacth découverte par François Ozon est magnifique et Louis Garel est un « géant » comédien. Jusqu’à Alain Françon qui, pour sa première apparition au cinéma est surprenant de malice….

Une œuvre sensible, minutieuse et d’une incroyable force

Francis Dubois

« ADN » – Un film de Maïwenn (France) – Sortie en salles le 28 octobre 2020.


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